Ressources humaines : « Les tâches souvent réservées aux personnes handicapées sont subalternes »

Ressources humaines : « Les tâches souvent réservées aux personnes handicapées sont subalternes »

Axel Amana, spécialiste en administration Ressources Humaines, fait une analyse sur l’insertion professionnelle des personnes handicapées au Cameroun tâches réservées aux personnes handicapées.

Avez-vous déjà procédé à un recrutement de personnes handicapées ? Si oui, quelle analyse faites-vous du profil des candidats que vous recevez ?

Nous avons déjà procédé au recrutement des candidats handicapés. Cependant, tout dépend du type de handicap. Dans un de nos récents processus de recrutement de graphistes, nous avons eu la candidature d’un handicapé qui au final, a été retenu pour ce qu’il nous a présenté comme savoir-faire. Sur l’analyse faite sur l’activité de ce dernier, je dirais que les handicapés sont très appliqués et s’adaptent facilement à l’environnement de travail quand la possibilité leur est offerte.

Les entreprises prennent-elles réellement en compte ce que dit la loi sur le recrutement des personnes handicapées, c’est-à-dire le respect du quota de 10% des places dans des entreprises publiques et privées ?

De mon expérience de près de 5 ans en tant que Responsable Ressources Humaines, je dirais en tout honnêteté que peu d’entreprises respectent ce quota. Il suffit parfois de voir la configuration de ces entreprises. Il est difficile de percevoir un espace aménagé aux personnes handicapées, ne serait-ce qu’au niveau de la réception au sein des entreprises.

Malgré l’existence de cette loi, le volet infrastructure (rampe, matériel pour déficients visuels et/ou auditifs…) n’est pas toujours pris en compte. Cela ne favorise-t-il pas leur marginalisation sur le plan socio-professionnel ?

C’est un problème de culture et de stigmatisation des personnes handicapées. Il existe de nombreux freins aux handicapés en entreprise, notamment :  la méconnaissance du handicap et une perception d’inefficacité. Les tâches souvent réservées aux personnes handicapées sont subalternes. Certaines entreprises ne connaissant pas les mesures autres que l’embauche de travailleurs handicapés, ignorent complètement les dispositifs à mettre en place pour l’embauche des personnes handicapées. Certains pensent parfois que leur entreprise connaitra une lourdeur dans la gestion des tâches. Or ce n’est pas vrai. Les handicapés méritent être dans chaque entreprise et pour leur savoir-faire au même titre que d’autres candidats. Il est clair que cette situation favorise le clivage socio-professionnel qui existe déjà.

Qu’est-ce qui peut expliquer  le sous-emploi des personnes handicapées au Cameroun  ? tâches réservées aux personnes handicapées

Pour comprendre cela, il faut aller à la recherche des politiques mises en place pour booster l’emploi de ces hommes et femmes. D’ailleurs, la LOI N°2010/OO2 du 13 AVRIL 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées existe au Cameroun. Cependant, comment se fait la mise en œuvre et le suivi ? les principes sont énoncés mais aucun suivi de leur mise n’est fait sur le plan social et même professionnel.

Comment résoudre ces problèmes d’insertion professionnelle des personnes handicapées ? tâches réservées aux personnes handicapées

Pour ma part, je pense qu’il faut un large programme de sensibilisation à l’endroit des citoyens camerounais et à l’endroit des chefs d’entreprises en particulier. Les chefs d’entreprises doivent pouvoir comprendre les types de handicaps, afin de les prendre en compte dans la mise en œuvre de leurs politiques de recrutement. L’Etat doit pouvoir multiplier les systèmes d’aides aux entreprises comme c’est le cas dans certains pays d’Europe, où il existe une aide exceptionnelle annuelle pour les contrats signés durant une année ; une aide à l’embauche pour favoriser l’apprentissage des personnes handicapées ; une aide à la recherche de solutions pour maintenir le salarié handicapé dans l’emploi entre autres.

Pour le manque d’infrastructures adéquates aux personnes handicapées, je pense que si l’Etat joue véritablement son rôle de médiateur à l’inclusion socio-professionnelle de ces dernières, ce problème ne sera qu’un détail. Au Cameroun, nous avons des personnes handicapées compétentes et engagées. Nous disposons d’une loi qui protège et promeut l’intégration professionnelle de ces personnes. Nous avons des entreprises responsables socialement, mais en quête de développement, capable de protéger les handicapés et leur donner un rôle. Une fois de plus en mon sens, l’Etat doit véritablement promouvoir les capacités des personnes handicapées et mettre en place des balises pour leur garantir un parcours professionnel après formation.

Plusieurs administrations telles que le Minfop et le FNE pour le Littoral ne prennent pas en compte l’aspect handicap dans leurs statistiques. Qu’est ce qui justifierait cela ?

Ces entités sont parmi celles qui doivent porter et même promouvoir l’employabilité des personnes handicapées. S’il y a aucun résultat, cela signifie simplement qu’il n’y a pas eu d’action. Comment voulez-vous avoir les résultats d’une évaluation alors que les enseignements et même l’examen n’ont pas eu lieu. C’est normal que ces institutions n’aient pas de données statistiques sur l’employabilité des personnes handicapées au Cameroun. Cela est beaucoup plus dû à l’absence des moyens d’accompagnement. A côté de cela, je ne suis pas sûr que ce problème fait véritablement partie des préoccupations prioritaires de l’Etat.

Réalisé par Michèle EBONGUE, dans le cadre du projet Open data for governance in Cameroon(ODAGOCA), initiée par ADISI-CAMEROUN, avec l’appui financier de l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX).
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