Téléphonie mobile : Aux origines du boycott citoyen de Orange et MTN
Dr Dany Dombou, économiste

Téléphonie mobile : Aux origines du boycott citoyen de Orange et MTN

Dans cette analyse, l’économiste Dr Dany Dombou explique que c’est un problème bien plus profond qu’il n’y paraît Téléphonie mobile Orange et MTN.

Dans un monde globalisé, la révolution numérique est un outil puissant d’autonomisation économique de la population. Un processus qui agit telle la sélection naturelle : propulsant vers ceux qui savent s’adapter, les fruits de la richesse ; et, reléguant les inconditionnels des circuits traditionnels aux oubliettes d’une vie laborieuse. Que ce soit à l’échelle des pays, où à celle des individus, la réalité reste la même : il faut s’adapter ou périr ! Et, pour s’adapter, il faut savoir et pouvoir. Le savoir dépend de l’individu, et, le pouvoir dépend de son environnement.

Prenons cette illustration : Après un Baccalauréat + 5 en Marketing, Tidiane travaille comme commercial pour une PME locale avec un salaire de 100 000 F Cfa sans contrat, sans sécurité sociale, et avec une partie variable adossée sur ses performances. De l’autre côté, sans licence, Rikia travaille depuis chez elle pour 5 plateformes numériques basées en Europe et se fait un revenu brut de 500 000 F Cfa. Elle s’est formée durant un an, en autodidacte grâce à des cours gratuits sur internet pour Community manager : une sorte de commercial sur internet.

Des Tidiane, on en retrouve en quantité industrielle en Afrique. Ce sont des jeunes qui ont suivi le système classique et se sont retrouvés soit au chômage, soit en situation de sous-emploi. En revanche, des personnes comme Rikia sont très rares. Ce sont des personnes ouvertes sur le monde, qui se mettent à jour des évolutions technologiques. Ce faisant, elles parviennent à être plus productives, et à récupérer les nouveaux métiers.

Le boycotte organisé au Cameroun contre les opérateurs de téléphonie mobile Orange et MTN

En effet, la précédente révolution informatique a détruit ou créé de nombreux métiers : celle entrainée par l’intelligence artificielle (IA) en fera bien plus. Selon une étude de Goldman Sachs, l’intelligence artificielle pourrait remplacer jusqu’à un quart de la force de travail dans le monde, soit l’équivalent de 300 millions d’emplois à temps plein.

Déjà, des intelligences artificielles parviennent à plaider devant des tribunaux (une IA a plaidé dans une affaire d’excès de vitesse à San Francisco), à conduire des voitures (les voitures autonomes de Tesla), à maintenir la sécurité (un robot-chien armé d’un fusil d’assaut dévoilé par l’entreprise Ghost Robotics), et même à diriger des entreprises (une entreprise chinoise a nommé un robot humanoïde dopé à l’IA comme PDG de sa filiale Fujian NetDragon Websoft). En effet, très peu de métiers y échappent. Alors, faut-il craindre le futur ?

D’ici quelques années, il faudra être ingénieux, créatif pour gagner plus en travaillant moins. Voici un scénario possible : l’IA va considérablement baisser les couts de production et donc, les prix. Les entreprises seront obligées de licencier une grande partie de leurs employés afin d’être compétitives. Les employés qui resteront en services verront augmenter leurs salaires. Ce qui aura deux principaux effets : une aggravation des inégalités et une crise des débouchées. Cette situation s’est déjà produite après la révolution industrielle, qui a menée à la crise de surproduction de 1929. L’une des solutions sera de taxer les riches et les entreprises pour maintenir le contrat social, en offrant des allocations chômages aux personnes recluses par le système dans l’obsolescence. On se retrouvera dans un monde avec des pays très riches, et des pays encore plus pauvres : des individus aisés, et des individus vivant avec le strict nécessaire.

Comment être du bon côté ? Il faut s’inspirer de l’exemple indien. Ce pays a su bénéficier de la révolution informatique du début des années 2000. Le pays a développé des modèles d’externalisation offshore de sa main d’œuvre en ligne. Aujourd’hui, environ 70 % des entreprises européennes ont externalisé au moins un processus à des entreprises indiennes. Les retombées sont considérables pour le pays. Son économie qui se situait au 15e rang mondial en 1990 est, en 2021 la sixième puissance économique mondiale devant la France. La population s’est mise à jour des technologies et a utilisé internet pour conquérir les marchés étrangers, tout en restant à domicile Téléphonie mobile Orange et MTN. Ces performances ont été rendu possibles, entre-autres, grâce à la qualité et au coût des infrastructures numérique. En effet, l’Inde, a 600 millions d’utilisateurs internet disposant du réseau mobile le moins cher du monde.

Le contraste est saisissant lorsqu’on se retourne vers l’Afrique. Le continent apparaît encore dans le bas des classements mondiaux en matière de développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) et de l’exploitation de leur potentiel. Pourtant, en Afrique subsaharienne, le téléphone mobile est devenu un outil multifonctionnel et indispensable de la vie quotidienne et porte la révolution numérique. Il est désormais considéré comme un service de base au même titre que l’électricité et les installations d’assainissement améliorées.

Alors, comment comprendre qu’il soit plus cher d’avoir accès à internet sur son mobile en Afrique qu’en Europe ? Cette question a inspiré un mouvement d’humeur en Afrique ces dernières semaines. En Côte d’Ivoire et au Cameroun, les populations ont manifesté leur mécontentement face à la qualité et au prix des services de téléphonie mobile à travers un boycott citoyen. Au-delà d’un simple mouvement d’humeur symbolique d’internautes en quêtes de distraction numérique, il faut prendre de la hauteur et voir là, l’appel à l’aide d’une jeunesse qui observe impuissante, son avenir lui échapper.

Dr Dany Dombou

*Les propos sont de l’auteur

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