N. VALLAUD-BELKACEM : « EMPÊCHER LES MORTS ÉVITABLES »

Ancienne ministre française, Najat Vallaud-Belkacem est aujourd’hui directrice de l’ONG ONE, qui agit contre l’extrême pauvreté sur le continent africain Éviter les morts inutiles. Invitée au forum « Dialogues Afrique-Europe » à Yaoundé du 1er au 3 décembre, elle nous livre ses attentes

Quelles sont les raisons qui vous ont motivée à vous rendre au forum de Yaoundé ?

Il se situe dans la lignée de celui de Montpellier : des sociétés civiles mises à l’honneur et en dialogue. Les gouvernants ont évidemment leur importance dans la conduite des réformes. Mais les véritables aspirations aux changements, les appels à des sociétés plus heureuses, plus pacifiées, plus égalitaires, plus libres, plus prospères, c’est bien des citoyens, et de leurs associations, qu’ils viennent. À travers son programme « Jeunes Ambassadeurs », ONE accorde une grande importance à l’engagement des jeunes. On forme chaque année un millier d’entre eux pour qu’ils sachent porter et défendre leur plaidoyer, notamment auprès des parlementaires.

Quels étaient les objectifs de votre ONG lors de sa création ?

ONE a été créée au début des années 2000, d’abord pour s’investir sur les questions de santé, en pleine épidémie du sida, alors que les coûts des traitements étaient exorbitants. Répartir équitablement les solutions et traitements et empêcher les morts évitables, c’est notre mantra. Au-delà, notre cible s’est élargie à l’extrême pauvreté, puisqu’au fond c’est la meilleure des préventions : vous résolvez beaucoup d’entraves concrètes lorsque vous faites sortir les gens de cette non-vie qui consiste à vivre avec moins de 2 dollars par jour.

Avoir été une femme politique de premier plan est-il un atout dans les combats que vous menez ?

Avoir été une femme politique me permet de comprendre les contraintes des responsables. Le politique n’évolue pas dans le même cadre qu’une ONG, qui se focalise sur un domaine. Il doit arbitrer entre des impératifs multiples et prendre en compte une opinion publique aux injonctions contradictoires. Une association ne doit pas se contenter d’être dans la revendication, mais  aussi dans la construction. Se contenter parfois d’obtenir moins que ce qu’on avait réclamé et y voir un jalon, trouver des portes de sortie, des solutions innovantes. En septembre, le Fonds mondial contre le sida et la tuberculose reconstituait son financement. Nous plaidions pour que nos Etats y contribuent à hauteur de 18 milliards de dollars. À la France, on demandait 1,7 milliards de dollars, on en a finalement obtenu 1,6. Nous avons préféré considérer que c’était une réussite.

Pensez-vous avoir un pouvoir d’action plus important sur ces sujets aujourd’hui, en tant que directrice d’ONG ?

Le pouvoir d’action reste du côté des politiques. Ce sont eux qui signent les lois et les décrets. En revanche, si on se pose la question : « Comment faire avancer une cause qui nous tient à cœur ? », le rôle des ONG est primordial. Elles agissent sur le terrain, documentent les causes pour lesquelles elles s’investissent et fournissent des solutions.

Avoir vos racines sur le continent africain a-t-il influencé votre choix ?

Oui, mais ce n’est pas la raison principale. Je pense que ce qui a joué, c’est le fait que, assez jeune, j’ai pris conscience des dysfonctionnements du monde. J’en ai eu conscience précisément parce que je suis une enfant de ces dysfonctionnements, une enfant de l’exil et de la migration. En partant avec mes parents, j’ai laissé derrière moi des gens en souffrance. Cela m’a construit comme une éternelle « intranquille ». En permanence à la recherche de solutions.

Interview réalisée par Mathias Fleury avec Médias & Démocratie (M&D)

Cet article a été réalisé en collaboration avec Médias & Démocratie (M &D), dans le cadre du Forum Régional de Yaoundé « Notre Futur »
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