Yaoundé : voyage en Colombie avec les enfants de la rue
Une vue de la « Colombie » à Yaoundé

Dans un des bas-fonds de la capitale camerounaise, ils organisent leur vie dans la promiscuité, avec les moyens de bord. Situé en plein centre-ville administratif, ce mini bidonville est ignoré par les autorités municipales. Il constitue néanmoins un défi pour le ministère des Affaires sociales.

Yaoundé le 1er avril 2020. A l’Hippodrome, quartier chic du centre-ville administratif, des villas et des duplex côtoient plusieurs boutiques, quelques snack-bar-cabaret-restaurants, des établissements hôteliers, des banques, une poignée de services administratifs, etc. Sur la Rue Fréderic Foe, les façades des immeubles tranchent pourtant avec le décor à l’arrière : un bas-fond marécageux. Les enfants de la rue ont élu domicile sur un espace qui fait moins de 2 000 m2. Un bidonville à petite échelle est né. Ils l’ont baptisé la Colombie.

                      Source: MINAS/DataViz by ADISI-Cameroun.                                     EDR : Enfant de la Rue

Au bord de la voie bitumée, un terrain vague laisse apparaitre une piste accidentée et encombrée d’herbes. Ce chemin conduit à un agglutinement de baraquements faits de matériaux de récupération. Tantôt des tôles rouillées, tantôt des planches. Plus loin, de vielles bâches, ou encore de fûts métalliques aplatis pour les besoins de la construction. Parfois, c’est un mélange de tout cela qui a permis d’ériger une baraque.

Le bidonville est situé dans un environnement insalubre : une végétation florissante avec le retour des pluies, des espaces noircis par tout ce qui y a été brulé, des amas d’ordures et toutes sortes de carcasses métalliques rongés par la rouille. Le site présente quelques tranchées qui laissent couler des eaux noires, conséquence d’une érosion du sol causée par le ruissellement des eaux. A l’intérieur du bidonville, l’habitat est précaire et disposé en rangée, avec des couloirs de moins d’un mètre de large. La promiscuité est telle que l’air se respire difficilement pour qui découvre le milieu. La lumière du jour ne dissipe guère l’atmosphère d’ombre qui règne. Elle serait plus marquée si l’essentiel des résidents étaient présents. Ils sont dans la rue et ne reviendront que le soir.

Les étrangers ne sont pas les bienvenus en Colombie, à moins d’avoir été admis par le patron des lieux ou un des leaders de la communauté. Amadou Messe dit Grand Mengue se présente comme le chef des enfants de la rue du Mfoundi depuis 2007, titre acquis après sa participation à un atelier sur le phénomène, organisé par le ministère des Affaires sociales. En apparence, Grand Mengue fait beaucoup moins que les 53 ans qu’il revendique. Il dit avoir créé la Colombie dès son arrivée sur le site en 2008. Selon lui, la mairie de Yaoundé 1er est au courant de la présence de ses compagnons et lui. Pourtant, le chef service technique communal, Grégoire Awono, dit tout ignorer de leur existence. « J’imagine la dangerosité de cet endroit à cause des trafics que peuvent mener ces enfants. Les riverains devraient nous saisir formellement afin que nous les délogions », ajoute-t-il.

                                                           Une vue de la « Colombie » à Yaoundé

Au bord de la voie bitumée, un terrain vague laisse apparaitre une piste accidentée et encombrée d’herbes. Ce chemin conduit à un agglutinement de baraquements faits de matériaux de récupération. Tantôt des tôles rouillées, tantôt des planches. Plus loin, de vielles bâches, ou encore de fûts métalliques aplatis pour les besoins de la construction. Parfois, c’est un mélange de tout cela qui a permis d’ériger une baraque.

Le bidonville est situé dans un environnement insalubre : une végétation florissante avec le retour des pluies, des espaces noircis par tout ce qui y a été brulé, des amas d’ordures et toutes sortes de carcasses métalliques rongés par la rouille. Le site présente quelques tranchées qui laissent couler des eaux noires, conséquence d’une érosion du sol causée par le ruissellement des eaux. A l’intérieur du bidonville, l’habitat est précaire et disposé en rangée, avec des couloirs de moins d’un mètre de large. La promiscuité est telle que l’air se respire difficilement pour qui découvre le milieu. La lumière du jour ne dissipe guère l’atmosphère d’ombre qui règne. Elle serait plus marquée si l’essentiel des résidents étaient présents. Ils sont dans la rue et ne reviendront que le soir.

Les étrangers ne sont pas les bienvenus en Colombie, à moins d’avoir été admis par le patron des lieux ou un des leaders de la communauté. Amadou Messe dit Grand Mengue se présente comme le chef des enfants de la rue du Mfoundi depuis 2007, titre acquis après sa participation à un atelier sur le phénomène, organisé par le ministère des Affaires sociales. En apparence, Grand Mengue fait beaucoup moins que les 53 ans qu’il revendique. Il dit avoir créé la Colombie dès son arrivée sur le site en 2008. Selon lui, la mairie de Yaoundé 1er est au courant de la présence de ses compagnons et lui. Pourtant, le chef service technique communal, Grégoire Awono, dit tout ignorer de leur existence. « J’imagine la dangerosité de cet endroit à cause des trafics que peuvent mener ces enfants. Les riverains devraient nous saisir formellement afin que nous les délogions », ajoute-t-il.

Dans tous les cas, la Colombie est présentée par ses habitants comme un refuge des personnes vivant dans la rue. Les anciens font venir des nouveaux. « Pour vivre ici, il faut avoir au moins 12 ans. Les filles doivent avoir au moins 18 ans », insiste le chef pour qui cette condition est essentielle. Une nuit ou deux peuvent être accordées à ceux et celles qui n’ont pas l’âge requis, le temps de les rediriger vers les institutions du ministère des Affaires sociales, notamment le centre d’écoute de Yaoundé ou les centres sociaux d’arrondissement.

 « Boko propre ».

Un seul baraquement peut accueillir plus de 10 personnes. Difficile de donner le nombre total de pensionnaires de la Colombie, même si Grand-Messe, le chef, dit tenir des fiches d’enregistrement. Il y a toujours de la place pour les nouveaux. A condition de respecter le règlement intérieur. Le vol étant interdit, chaque résident doit mener une activité génératrice de revenus. Ici on est vendeur à la sauvette, cordonnier ou plongeur dans un restaurant. Le vendredi est dédié à l’hygiène corporelle. C’est le jour du « Boko propre ». Tout le monde prend un bain, de gré ou de force. Les vêtements sont renouvelés à cette occasion. Le lendemain samedi est jour de nettoyage général du lieu d’habitation. Malgré ces activités de propreté, la promiscuité ne permet pas de se protéger du Covid-19. La maladie n’est pourtant pas ignorée ici.

En plus de participer aux activités communautaires, chaque résident doit contribuer financièrement pour toutes les commodités liées de la vie en groupe. Il faut par exemple payer pour l’énergie électrique qui arrive et est distribuée sur le site par des branchements sommaires. Personne n’en dira plus. Il y a des secrets de famille. L’organisation interne a aussi permis d’aménager une salle d’étude et d’acquérir un tableau noir. Les plus instruits enseignent aux moins lettrés le minimum à savoir, c’est-à-dire la lecture et l’écriture. La dernière leçon laissée au tableau porte sur les syllabes. On peut lire : b –a= ba, b-i= bi, b-e= be. Plus loin, il y a les syllabes suivantes : ba, sê, bi, be, su, bu, sa, bè, si. Si pour certains, cet apprentissage est capital, pour d’autres il en faut plus. C’est le cas de Mohamed Gambo, 14 ans, ancien élève du CM1 à Meiganga dans la région de l’Adamaoua, arrivé à la Colombe au cours de l’année 2019. Moussa Moustapha n’est pas plus avancé, lui qui est encore inscrit en 6eme à Ngaoundere, mais vit dans la rue depuis 3 mois.

Sortir de la rue

Au ministère des Affaires sociales, on est convaincu que ces enfants et beaucoup d’autres peuvent encore être sortis de la rue. « Nous allons vers eux. Il n’est plus question de les déloger par la force. Avec l’aide de leurs leaders, nous initions des causeries éducatives sur les méfaits, les risques et les dangers de la rue », explique Adalbert Charles Atangana, directeur du Centre d’écoute et de transit de Yaoundé (Cety), une institution spécialisée qui a pour mission essentielle la lutte contre le phénomène des enfants de la rue. Depuis le 1er avril, le Cety héberge 121 enfants âgés entre 0 et 18 ans ; dans le cadre d’un projet qui propose quatre options à chaque pensionnaire : retourner en famille ou trouver un nouveau toit dans une institution de placement du Minas, rentrer à l’école, apprendre un métier ou se lancer dans une activité génératrice de revenus.

Si le projet vise d’abord les enfants de la rue du centre-ville, M. Atangana soutient que la capitale ne compte pas moins de 43 sites à l’image de la Colombie.

Assongmo Necdem

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