En pleine crise sanitaire, ces réfugiés, qui réclament la somme de 120 mille F Cfa, rejettent les 30 000 F Cfa par ménage de l’assistance ponctuelle du HCR dans la lutte contre la Covid-19.

Dans la famille Toyo, constituée de neuf personnes, les masques de protection et les gels hydroalcooliques, recommandés comme mesure barrière contre la Covid-19, ne font pas partie de leur quotidien. Ces réfugiés tchadiens sont pourtant conscients du danger auquel ils s’exposent, depuis que le premier cas du Covid-19 a été déclaré au Cameroun le 6 mars 2020. « Nous avons à peine de quoi manger, comment allons-nous penser à autre chose ? Même la maison dans laquelle nous dormons, nous sommes menacés d’expulsion, le bailleur nous réclament 5 mois de loyer, à raison de 25 mille F CFA, et nous n’avons pas de quoi payer », affirme ce chef de famille, installé au quartier Makea à New-Bell dans l’arrondissement de Douala 2e. Sans emploi depuis 2014, Joseph et les siens vivent du petit commerce de cacahuètes de sa conjointe, qui rapporte à peine de quoi manger.

Cette famille espérait du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Cameroun, ou du gouvernement, une aide dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. « Le HCR ou le gouvernement, devait penser à nous autres, qui vivons dans des conditions vulnérables. Aucun réfugié ne peut se réjouir de sa situation, encore moins maintenant », dit-il.  Joseph et ses proches, ont participé au sit-in des réfugiés urbains de Douala, évalués à près de 9 mille et 5 mille demandeurs d’asile, le 3 juin 2020, devant le bureau local du HCR, afin de revendiquer une assistance financière, peut-on lire dans leur mémorandum.

Une mére réfugiés à Douala

Selon Jean Louis Kalema Ngongo, le Président du collectif des réfugiés de Douala, ils ont rejeté le montant de 10 000 F CFA que le HCR/Cameroun voulait attribuer à chaque famille. « Il nous a été informé que les Nations Unies mettra à notre disposition, une assistance financière pour survivre durant la période de déconfinement comme les autres démunis et que les Refugiés devraient choisir entre les vivres en nature ou soit de l’argent. Nous avons choisi de l’argent en espèce. Nous avons proposé un montant de 170 000 F CFA, un minimum à remettre à chaque ménage comme chez nos confrères d’ailleurs, pour compenser les différentes dépenses liées à cette opération, parce qu’ils ont été obligés d’avoir un compte MTN », affirme-t-il.

Sécurité

« J’ai écrasé une larme », se souvient Bienvenu Goumoundjou, Centrafricain de cette journée. Victime d’un malaise, cet homme d’une trentaine d’années s’est écroulé lors de la marche, pendant que les Forces de sécurité dispersaient la foule à l’aide du gaz lacrymogène. « Notre action était pourtant pacifique. Nous voulons juste être entendus », dit-il.  Professeur certifié de mathématique et diplômé d’un DEA en physique atomique, Bienvenu a perdu toutes ses sources de revenu à cause la crise.  « Je répétais les enfants pendant la période des cours.  Mais avec la pandémie tout est bloqué. Je fabrique et commercialise de l’eau de javel, mais il ne rapporte pas assez. Je gagne à peine 2500 F Cfa par semaine. Il y a des semaines où je n’ai aucune vente.  Avec l’arrêt des répétitions, je ne parviens même plus à payer mon loyer, qui s’élève à 20 000 F Cfa », confie Bienvenu. Son rôle de leader dans la communauté, lui a permis, de recevoir du HCR, deux bouteilles de gel hydroalcoolique, deux paires de gang et trois caches nez. Une faveur restreinte à certains responsables.

Bienvenu vit dans une chambrette construite en matériaux provisoires au quartier Ngangue à New-Bell. Sa situation ne lui permet pas d’espérer mieux. « Cette crise a seulement augmenté mon calvaire. Mes problèmes de santé me contraignent à un régime alimentaire très sélectif. Une charge financière que je ne peux pas supporter. J’ai essayé en vain de trouver un emploi, même dans les écoles catholiques, mais sans succès », regrette-t-il. Selon ce réfugié, l’appui attendu du HCR, pour bon nombre à la capitale économique, financièrement affecté par la crise sanitaire, représentait un brin de sourire, même si ce n’était que pour quelques jours.

Mais grande fut leur déception, face au montant avancé par cette organisation. Davantage pour Odette Noutjoutam, une centrafricaine, mère célibataire de 4 enfants, dont le plus jeune à 11 ans. Avec la crise, ses revenus ont considérablement chuté. Pendant la période de confinement prescrite par le gouvernement, elle a été contrainte à un chômage technique.  Payée à la tâche en fonction des ventes, cette femme d’une quarantaine d’année braise du poisson chez une restauratrice. « Les activités n’ont pas encore décollées, malgré le déconfinement.  Je gagne entre 1000 et 1500 F Cfa par jour. Je dois m’occuper de mes quatre enfants, payer mon loyer à raison de 20 000 F Cfa par mois et je suis déjà à 4 mois d’impayé. Pour des raisons financières, mon aîné a arrêté les études. J’ai saisi le HCR pour l’éducation des enfants, sans suite. Je dois me battre toute seule pour nous tous », déclare cette mère. Cette famille habite dans une pièce qui leur permettent juste de se mettre à l’abri des intempéries, même si c’est parfois difficile pendant les fortes pluies.

Grève

Après la manifestation des réfugiés de Douala, le HCR Cameroun, qui enregistre près de 412 405 réfugiés (31 mai 2020), a précisé dans un communiqué, qu’elle apportera une assistance ponctuelle uniquement par transfert monétaire d’un montant de dix mille F Cfa aux réfugiés enregistrés en milieux urbains de Yaoundé, Douala, Banyo et Langui en collaboration avec son partenaire Plan International et l’opérateur MTN. Dans ce communiqué de presse publié le 5 mai 2020, Xavier Bourgois, le porte-parole du HCR au Cameroun, indique que les ménages ayant à leur charge des personnes avec des besoins spécifiques enregistrées dans la base de données du HCR recevront une assistance ponctuelle unique de 15 000 F Cfa. Cette agence onusienne souligne que cette assistance ponctuelle vise à apporter un appui afin d’aider les ménages à couvrir les besoins de base et mettre en œuvre les mesures sanitaires prise par le Cameroun pour lutter contre la Covid-19.

Le 8 juin 2020, le HCR a entamé le virement de 30 000 F CFa dans le compte mobile de certains bénéficiaires. Une somme jugée « insignifiante », par les réfugiés qui menacent de continuer leur revendication. « Même s’ils ont mis cet argent dans notre compte, le problème n’est pas résolu. Nous n’avons aucun différend avec l’opérateur de téléphonie mobile, notre lutte ira jusqu’au bout. Nous réclamons 120 mille F Cfa », réitère Mireille l’une des premiers bénéficiaires.

En effet, en réponse à la sortie du HCR, le collectif des réfugiés a revu à la baisse ses attentes, dans une correspondance du   8 juin 2020 adressée au représentant du HCR Cameroun et propose désormais la somme de 120 000F CFA par personne et multipliée par trois au lieu de 170 000 FCFA. « Dans le cas où le HCR ne dispose pas de ce montant, nous suspendons notre présence à toutes les activités du HCR et ses partenaires opérationnels à savoir 20 juin, écoute au plan, gèle des descentes du PLANCAM sur le terrain…. Une Grève de la faim illimitée avec nos enfants devant le bureau du HCR jusqu’à ce que nos revendications soient prises en compte », a-écrit le collectif. La hache de guerre est loin d’être enterrée entre les deux parties.

Marie Louise MAMGUE

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