Alors que de nombreuses plantations et cheptels bovins ont été dévastés par les feux de brousse et la sécheresse entre 2016 et 2020, entrainant la famine dans plusieurs localités de la région, la mise sur pied d’un plan d’urgence est toujours attendue.   

A Djaglassi dans l’arrondissement de Doumé, les populations, principalement agricoles, assistent impuissantes aux feux de brousse qui consument au quotidien leurs plantations. Ces incendies répétitifs, mettent en péril les moyens de survie de plusieurs familles. « Le bilan est désastreux. Les champs de banane-plantain, de cacaoyère et de légume ont été rasés. Nous avons investi pour rien. Actuellement il y a même la famine au village », déplore le chef de ce village, Hubert Aminékolo.

Avec Sylvain Akamba Zang Bot, propriété d’une plantation de plantain, macabo et cacao, ils évaluent à plus de 50 familles, le nombre des victimes de ces flammes destructrices. La plupart de plantations ravagées appartiennent aux membres de la Coopérative des producteurs du cacao de cette localité. Malheureusement, aucune évaluation n’a été faite par les services compétents malgré le cri de détresse des victimes.

À Gbakombo, zone de production proche de Bertoua, la longue sécheresse a facilité cette invasion des flammes. « Il y a eu abondamment les feux de brousse qui ont ravagé les plantations et la forêt. Le chef de poste agricole a commencé les évaluations mais la moto qu’on lui a affectée est tombée en panne », indique le chef, Sa Majesté Kayina. Dans cette localité, le nombre des plantations ravagées par les feux de brousse depuis 2016 est estimé à des centaines d’hectares.

Sur la route de Garoua-Boulaï, dans la localité de Garoua-Yaka, les populations peinent encore à se remettre de ce cauchemar survenu en 2018. « Plus de 50 hectares des diverses cultures (banane-plantain, maïs et manioc) avaient été consumés par le feu. Pour alerter l’opinion publique, j’ai même fait une intervention à la CRTV-Est. Mais les victimes n’ont reçu aucune assistance », affirme Justin Aoudou Koueke, le chef de cette communauté.

Ces catastrophes à en croire certains témoins, seraient liées à la négligence des propriétaires des champs qui utilisent le feu pour raser leurs plantations. « Ailleurs, c’est la négligence des fumeurs qui jettent les mégots de leur cigarette », confirme Cathy Laure, l’une des victimes. Ces incidents n’affectent malheureusement pas que les agriculteurs, ils touchent aussi des éleveurs qui perdent des pâturages pour leurs troupeaux. « Les animaux n’ont plus rien à manger, ils sont contraints de migrer vers des forêts où ils mangent des herbes et des fruits toxiques, des milliers de têtes ont été décimés depuis janvier 2016 », regrette Douka Moussa, chef de la Communauté Bororo de Giwa-Yangamo.

Changement climatique

La délégation régionale de l’Elevage, des pêches et des industries animales, (DREPIA), relève qu’en plus de la sècheresse, les plantes toxiques ont également affecté plusieurs troupeaux. Cependant, en dehors de la sensibilisation de ces éleveurs, aucune autre action n’a été menée pour limiter les dégâts. « Le climat a été hostile pour le bétail parce que les pâturages sont devenus rares. Mais ce n’est pas seulement la sécheresse qui tue les animaux, il y a aussi des plantes toxiques.  Nous conseillons aux éleveurs de préparer la sécheresse en cultivant dans les champs alimentés par des forages ou dans les bas-fonds », renseigne un vétérinaire rencontré par Datacameroon.

M Nek, délégué régional de l’Agriculture et du développement rural, explique que ces feux de brousse, sont l’un des effets du changements climatiques dans cette région. « Nous avons fait l’état des lieux et les propositions au ministre parce que c’est très sérieux au niveau de l’agriculture. Nous avons déjà perdu beaucoup d’hectares de cacaoyère et autres cultures. Sur le terrain nous procédons à la sensibilisation pour que les producteurs sécurisent leurs champs », soutient-t-il.

Législation

Le décret N°98/031 du 09 Mars 1998 portant organisation des plans d’urgence et des secours en cas de catastrophe ou de risque majeur de la Direction de la Protection civile du ministère de l’Administration territoriale, (MINAT) souligne que « les principaux risques auxquels est exposé le Cameroun sont, les tornades, les foudres, les vents violents et la sécheresse. Au niveau sanitaire on retrouve les épidémies dont les maladies à potentiel épidémique et les grippes épidémiques. Au niveau des épizooties, on retrouve les pestes animales ». Selon la typologie des risques au Cameroun, « la notion de risque fait référence à des évènements auxquels on peut, ou on doit s’attendre, mais dont l’occurrence et l’intensité sont souvent difficilement prévisibles ».

L’article 3 alinéa 3 du décret suscité stipule que « l’action de l’autorité compétente comporte, la diffusion de l’alerte, l’engagement immédiat des secours d’urgence, l’information des autorités hiérarchiques, la mobilisation des moyens humains, matériel et financier nécessaires et la convocation immédiate du comité de crise et l’information du public ». Sur la base de cette disposition, Lévy Adamou, environnementaliste, relève « qu’il est évident que les mesures adéquates ne sont toujours pas prises après, ou pour prévenir les différentes catastrophes qui affectent les producteurs agropastoraux chaque année à l’Est du pays ». Pourtant, ces populations vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage.

Sébastian Chi Elvido à Bertoua

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