Identité : « La langue finalement, c’est celle de mon âme »

Identité : « La langue finalement, c’est celle de mon âme »

L’écrivain et slameur camerounais Marc-Alexandre Oho Bambe dénonce l’accent mis sur la langue comme barrière de l’identité d’une personne et nous en transmet sa vision poétique et bien personnelle.

Quelle est la relation entre l’identité et la mémoire ?

Je pense que la mémoire fait partie de l’identité d’une personne, mais l’identité ne peut pas se résumer à la mémoire (…) parce que la mémoire c’est le passé. C’est seulement si on écrit de la poésie qu’on peut avoir la mémoire du futur. Et là, tout est possible.

Pourquoi vous êtes-vous emparé de cette thématique ?

Je slame sur la vie de manière générale et sur ce que la vie nous offre, sur toutes les questions existentielles. Et la mémoire est une des questions existentielles qui peut nous traverser l’esprit, comme c’est le cas de l’amour, l’amitié, la vie et la mort. Je slame sur toutes les questions existentielles qui traversent la vie et qui me traversent.  Je n’ai pas de thématique particulière dans mon travail, si ce n’est de parler sans cesse et sans retenu de l’urgence de vivre.

Dans le cadre du Forum régional de Yaoundé, vous intervenez dans l’atelier « identités, mémoire et imaginaire en relation ». Vous avez choisi d’insister sur le rôle de la langue, pourquoi ?

Qu’est ce qu’on met derrière la langue ? Moi j’écris de la poésie, la langue finalement c’est celle de mon âme. Ce n’est pas le français, ni le douala, qui sont les deux langues que je parle le mieux. Mais quand j’écris de la poésie, je ne le fais ni en français ni en douala, c’est mon âme qui s’exprime. Tout dépend de ce qu’on met derrière le mot langue. Si on parle de manière très classique, la langue permet de se projeter dans le monde, de dire quelque chose du monde, qu’elle soit locale ou à vocation internationale. Il y a donc cette corrélation entre le fait de dire le monde, de se dire dans le monde et puis le fait d’exister. Et l’identité, c’est être capable de dire « Je ».

Comment la question de l’identité pourrait-elle trouver sa place dans les relations entre l’Afrique et l’Europe ?

Tous les débats sont importants, à partir du moment où on peut convoquer à la même table des opinions différentes, parfois divergentes aussi. Parce que c’est le seul moyen de construire quelque chose. Au-delà de la relation Afrique-Europe, Camerounais-Camerounais, ce serait déjà pas mal qu’il y ait aussi des débats pour se parler. On vit dans un pays qui n’est pas le dernier à porter haut les couleurs détestables du tribalisme, mais on n’a pas besoin d’aller très loin pour avoir besoin de débattre, de se dire : je suis douala, tu es bassa ou bamiléké. Ça ne devrait rien vouloir dire. Se parler, c’est essentiel pour se dire qu’on est ensemble, embarqué dans la même aventure de vivre. Comment est-ce qu’on peut essayer d’habiter au mieux les espaces dans lesquels nous vivons et les espaces dans lesquels nous avons besoin de vivre ? C’est ça que le débat propose aussi, c’est à cela que le débat invite : réfléchir ensemble, questionner ensemble et peut-être trouver des solutions ensemble. Peut-être qu’on n’en trouvera pas, mais au moins on aura trouvé des questions.

Interview réalisée par Michèle EBONGUE, avec Médias & Démocratie (M&D)

Cet article a été réalisé en collaboration avec Médias & Démocratie (M &D), dans le cadre du Forum Régional de Yaoundé « Notre Futur »
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