Adamaoua : 38 projets socioéconomiques abandonnés entre 2018 et 2020

L’abandon de ces projets évalués à près de 1 252 386 035 F Cfa, contribue à plomber la croissance de la région de l’Adamaoua qui accuse déjà un retard énorme en matière de développement.

« Vous venez nous parler des projets qui n’ont pas été exécutés, c’est bien beau, mais avez-vous pris la peine de sillonner la région pour vous rendre compte des conditions de vie de nos populations ? Lorsque vous dites qu’il y a des projets, je suis désolé de le dire, ce sont les enfants des membres de la famille des élites qui reviennent profiter de ces projets alors que les vrais nécessiteux sont ignorés. J’ai des voisins, des familles des agriculteurs depuis des générations, mais jamais ils n’ont bénéficié de ces projets. Ne soyez pas étonnés que certains soient abandonnés parce que ce sont les copains qui se sont partagés les projets et les retombés des marchés », s’offusque Mohamadou Bassirou Arabo, enseignant d’université.

Cet enseignant crie ainsi son désarroi face à la multitude des projets non réalisés qui ralentissent la croissance socioéconomique de la région de l’Adamaoua. Une situation qui ne laisse personne indifférente. Surtout les habitants qui paient le prix fort au quotidien.  Ils sont en effet nombreux dans cette partie du pays qui fustigent la non réalisation des projets qui auraient permis d’améliorer les conditions de vie des populations. « Je suis de ceux qui sont très sceptiques par rapport à un développement de notre région. J’ai monté un projet de l’ordre 5 milliards F Cfa. A Yaoundé, on me dit que le projet est très coûteux alors que sa mise en œuvre aurait permis d’employer quelques jeunes et de réduire le chômage », renchérit Mamoudou Mazadou, sénateur du Faro et Déo.

Banyo

Entre 2018 et 2020, environ 38 programmes annoncés n’ont jamais vu le jour.  Des projets qui s’étendent sur l’ensemble des départements que compte la région. A Banyo par exemple, la réhabilitation de la voirie municipale en terre annoncée en 2019, reste toujours attendue. L’entreprise adjudicataire qui se trouve être la mairie de Banyo ne l’a pas exécuté, et le fonds alloué à ce chantier n’a pas non plus été décaissé. « La ville de Banyo n’a pas de route dans les quartiers. Il n’y a que les principales artères qui ont encore un peu de bitume. Quand il pleut, c’est vraiment pénible et les motos ne parviennent pas à accéder dans les zones reculées », déplore Antoinette, une habitante de Banyo. 

Dans le 3ème arrondissement de Ngaoundéré dans la bourgade universitaire de Bini-Dang, la construction d’un forage dans l’un des secteurs en 2018 est reléguée décidemment aux calendes grecques. En saison sèche, les étudiants sont contraints de se ravitailler au forage du centre de santé privé protestant. « En saison sèche, c’est le calvaire dans notre secteur. On est obligé d’aller chercher de l’eau au forage de l’hôpital. En 2019, j’étais obligé de demander aux voisins de collecter de l’argent pour réhabiliter un forage. Grâce à l’accompagnement de la commune, on a pu résoudre le problème. Mais pour combien de temps encore ? » s’interroge Hamissou, délégué d’une mini-cité à Bini.

Dans cette partie du pays, ces projets non réalisés concernent entre autres, la construction des salles de classe dans les écoles, les centres de santé, les centres d’état civil et mêmes les adductions d’eau. Des initiatives à fort impact socioéconomique, qui malheureusement piétinent. « Lorsqu’on abandonne un projet, c’est l’économie qu’on tue. Imaginez-vous la réalisation des escaliers d’accès au site touristique de la falaise de Mbé. Des transporteurs aux restaurateurs, en passant par les artisans et les guides touristiques et les établissements d’hébergement, chacun y trouvera son compte. C’est déplorable, mais je crois que ces projets doivent être transférés à la gestion au niveau des communes. Ce qui, à mon sens, donnera plus de crédibilité à ceux-ci », pense Issa Bassané, délégué départemental du tourisme et des loisirs de la Vina, joint au téléphone. 

  Défaillance 

Selon le Dr. Amadou Bello, le délégué régional de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) de l’Adamaoua au cours de la réunion de la mission d’évaluation des projets de développement des régions de l’Adamaoua, de l’Extrême-Nord et du Nord, les causes de ces abondons vont de la défaillance des entreprises à la présence des roches lors des forations en passant par le non-paiement des décomptes, les travaux en régie et la mauvaise maturation des projets. 

Dr. Amadou Bello, explique que la défaillance des entreprises est la principale cause, avec 81,57% du taux d’abandon des projets. Le non-paiement des décomptes vient en 2ème position avec 5,2%, même taux dû aux travaux en régie. La mauvaise maturation des projets et la présence des roches lors des forations s’en sortent avec 2,2% chacun. Aussi, au rang des causes, figure en bonne place, la méconnaissance des sites par les entreprises adjudicataires qui, pour la plupart, sont installées dans la partie méridionale du pays et n’ont aucune connaissance de la zone d’exécution des marchés. Ces 38 projets non exécutés viennent davantage plomber cette région qui est parmi les moins avancées du pays.    

 Jean BESANE MANGAM à l’Adamaoua

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