Lom Pangar : 12 ans après, une centaine de villages attendent toujours l’électricité
Une vue de l’usine de pied du barrage de Lom Pangar

une centaine de village attendent toujours l’électricité produit par Lom Pangar

Au-delà de la construction d’un barrage de retenue de 6 milliards de m3 d’eau pour régulariser le fleuve Sanaga, ce projet estimé à plus de 300 milliards de F Cfa avait pour but d’améliorer l’offre énergétique dans la région de l’Est à travers la construction d’une usine de pied de 30 MW pour alimenter au moins 150 localités l’électricité produit par Lom Pangar. Même si les travaux de l’usine de pied sont terminés et toutes les 4 turbines sont fonctionnelles depuis le 2 janvier 2024, seulement 14 MW sont injectés dans le réseau existant selon l’EDC, tandis que les délestages continuent de s’intensifier.

Dans la soirée du 07 mars 2024, le village Deng-Deng dans le département du Lom-et-Djérem, région de l’Est est dans le noir. « Nous continuons de nous battre comme à la période de nos grands-parents en utilisant des lampes-tempêtes. Les plus nantis font recours à l’énergie solaire », explique Guy Marcel Bassoung Kassala, secrétaire du chef de Canton Képéré-Deng-Deng l’électricité produit par Lom Pangar. Ici les habitants se sont habitués à l’utilisation  de la  lampe à pétrole pour l’éclairage.

A  deux kilomètres de là,  au village Ouami, les populations vivent aussi sans électricité. « Pour le moment, nous n’avons pas d’électricité l’électricité produit par Lom Pangar. On se débrouille avec les plaques solaires et les groupes électrogènes », déclare Moussa Midjiwa, représentant du chef d’Ouami. Ce village a connu un flux massif des pêcheurs depuis 2015 à la faveur de la mise en eau du barrage Lom Pangar.

L’absence d’électricité affecte également les villages Haman, Déoulé et Kambokassi. Toutes ces localités font partie des 14 villages du Canton Képéré-Deng-Deng, premier Canton riverain du projet hydroélectrique de Lom Pangar (Phlp). Pourtant cette population est encore privée d’électricité.  «  Nous ne consommons pas encore l’énergie de Lom Pangar parce que nous venons à peine d’être indemnisés», affirme Guy Marcel Bassoung Kassala.  Il ajoute par ailleurs que les travaux de terrassement tardent à  se concrétiser l’électricité produit par Lom Pangar. «  C’est encore à environ 20 km de Bertoua, à plus de 120 km de notre village. Les informations que nous avons font état de ce que les villages environnants du barrage seront électrifiés à partir de 2025, mais nous ignorons si ce délai sera respecté  parce qu’il y a toujours des imprévus. Nous sommes préparés qu’il est probable que 2026 arrive sans qu’on ait l’énergie de Lom Pangar », regrette-t-il.

Malgré l’évolution des travaux de ce barrage de retenue de 6 milliards de m3,  qui a pour but d’améliorer l’accès à l’électricité au Cameroun, les incertitudes quant à l’amélioration des conditions de vie des  populations riveraines demeurent l’électricité produit par Lom Pangar. « On nous a quand même informés qu’on a lancé une turbine dont l’énergie haute tension part de l’usine de pied pour Bertoua et c’est de là que cette énergie va revenir sous forme de base tension à Ouami. Mais pour le moment, il n’y a aucun signe dans le village, pas de travaux préparatoires, pas de poteaux  », se désole, Moussa Midjiwa.

Dans le Canton Képéré-Deng-Deng, une centaine de poteaux électriques ont été abandonnés au village Youmbé, situé à environ 15 kilomètres de Belabo en provenance de Deng-Deng. Selon un notable du village avec qui  Data Cameroon a échangé, « ces poteaux y ont été disposés  depuis le début de l’année 2024,  car le chef du Canton s’est opposé à leur implantation parce que les victimes du passage de la ligne basse tension n’ont pas été indemnisées ». Tout comme dans le Canton Képéré-Deng-Deng, les 13 villages du Canton Woutchaba, situé à l’autre rive du fleuve Sanaga, broient du noir en espérant d’être électrifiés.

l’électricité produit par Lom Pangar On espère que d’ici la fin de l’année…

A environ 260 kilomètres de Belabo, précisément à Mindourou dans le département du Haut-Nyong, les localités bénéficiaires de l’usine de pied de Lom Pangar sont dans l’attente de l’électricité depuis la pose de la première pierre du projet en août 2012 par le chef de l’Etat, Paul Biya. « Nous observons  les travaux l’électricité produit par Lom Pangar. On a vu les trous creusés et ils sont en train de déposer certains poteaux. Entre temps, on continue d’utiliser les moyens de bord pour vivre en espérant  que d’ici la fin de l’année 2024, on pourra aussi intégrer le cercle de ceux qui bénéficient de l’énergie électrique  », affirme Mimbom Apeapea du village Djaposten situé 24 km de Mindourou centre.

A en croire le deuxième adjoint au maire, Armand Megouba, «les poteaux de la ligne électrique qui partent de Lom Pangar pour Lomié», ont été également disposés depuis un mois dans le village Djouyaya, situé à 34 km d’Abong-Mbang et 29 km de Mindourou l’électricité produit par Lom Pangar. Sur le trajet Bertoua –Garoua-Boulaï, long de 250 km, l’implantation des poteaux de la basse tension est visible dans les villages comme Moïnam, Boulembé, Letta, Ndanga-Ndenge, Daiguene entre autres.

Pour ce qui est des retards observés dans la fourniture de l’électricité dans les 150 localités prévue par le projet Lom Pangar, Electricity Development Corporation (EDC) précise que « l’électrification est un programme à part, différente des travaux de construction de l’usine de pied l’électricité produit par Lom Pangar. Pour le moment, les travaux avancent bien et les premiers villages seront électrifiés d’ici avril-mai 2024 ».

l’électricité produit par Lom Pangar Des délestages malgré l’injection de 14 MW

Sur le terrain, l’accès au site du projet demeure interdit au public. Néanmoins au niveau de la dernière barrière de sécurité, l’un des ouvriers rencontré surplace le 07 mars 2024 explique sous anonymat : « il n’y a plus des ouvriers sur le site. Il y a juste les techniciens pour l’exploitation du barrage et l’usine de pied. En termes de construction, il n’y a plus rien. On a tout fini. On attend juste l’inauguration officielle ».

Le projet consiste en la construction d’un barrage de retenue de 6 milliards de m3, d’une centrale hydroélectrique au pied du barrage d’une capacité de 30MW, d’une ligne électrique de transport et d’extension de réseaux pour la Région de l’Est. Avec un montant global de 238 milliards F Cfa, le PHLP est soutenu par cinq bailleurs de fonds. Notamment, la Banque Mondiale, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC). Ce barrage doit réguler le niveau du cours du fleuve Sanaga en portant ainsi son débit de 750 m3/S à 1.040 m3/S en étiage (saison sèche) l’électricité produit par Lom Pangar. Ceci permettrait l’augmentation de 120 MW la capacité de production des centrales électriques de Song-Loulou et d’Edéa.

Selon l’EDC, maître d’ouvrage du PHLP, « les travaux de l’usine de pied sont terminés et toutes les 4 turbines sont fonctionnelles depuis le 2 janvier 2024. Sur une capacité de production de 30 MW, seulement 14 MW sont actuellement injectés dans le réseau existant. C’est suffisant pour couvrir les besoins de la région de l’Est qui sont de 11 MW ».

Malgré les 14 MW déjà injectés dans le réseau de  la région, les délestages sévissent toujours dans les villes. A titre d’illustration, le mardi 12 mars 2024, Bertoua, chef-lieu de la région, a connu au moins une dizaine de coupures alors que le ministre de l’Education de base était en visite dans la capitale de l’Est. « L’énergie est toujours instable », confirme Marouane Oumarou, chef de chaine de la Radio communautaire de Batouri (RCB) l’électricité produit par Lom Pangar. Ce journaliste a consacré une édition spéciale sur les délestages dans la ville en rappelant la «marche de protestation contre les délestages» organisé il y a plus de dix ans par le clergé de la ville, conduit par Mgr Samuel Kleda, alors évêque de Batouri.  En 2007, une autre marche de protestation à  Abong-Mbang, chef-lieu du département du Haut-Nyong, avait tourné  en tragédie avec la mort de deux élèves et l’incendie de la préfecture.

Réseaux précaires

Pour justifier les délestages actuels, un cadre technique d’Eneo qui a requis l’anonymat explique que : « nous consommons déjà l’énergie de Lom Pangar dans le réseau existant mais les coupures que nous observons sont dues au réseau précaire caractérisé par des poteaux en bois souvent ravagés par les feux de brousse, les câbles électriques faibles et le vent, ce qui rend le réseau instable ». Une situation qui selon, Bernard Bangda, Coordonnateur du Moabi Think Tank découle d’un déficit de planification. « Eneo, l’entreprise qui s’occupe de la distribution, semble n’avoir pas prévu que la population augmenterait entre-temps. Bien plus, on constate la vétusté des éléments qui constituent son réseau l’électricité produit par Lom Pangar. L’on débouche donc soit à des surcharges soit à des fuites d’énergie électrique. D’où les nombreux délestages qui persistent », analyse-t-il.

Une vue satellitaire du barrage hydroélectrique de Lom pangar (Capture réalisée avec Google Earth)

A en croire Ulrich Dikor, Coordonnateur du Centre de recherche, d’études-conseils et d’appui au développement (CREADEV), une ONG qui a suivi la réalisation du PHLP, même en atteignant sa croisière productive de 30 MW, il sera très difficile de satisfaire la population.  « Dans sa vocation première, celle de barrage de retenue, il y a une nette satisfaction qui se justifie par une surabondance en eau l’électricité produit par Lom Pangar. Cependant, il y a lieu de reconnaître que cette fonction de barrage de retenue n’est que circonscrite pour une amélioration dans le cours et autour du fleuve Sanaga », relève-t-il.

Dans sa deuxième vocation actionnée par l’usine de pied, continue Ulrich Dikor, nous sommes convaincus que même en atteignant sa croisière productive de 30 MW, et fort de la démographie galopante de la région, en plus des différentes zones industrielles en cours d’installation tels la technopole Ouassa-Babouté, les pôles de concentration géographique d’exploitations et de transformations forestières et minières, il sera très difficile de se satisfaire de cette production. Sur le plan local, pense-t-il, « une meilleure redistribution des redevances d’eau aux communes riveraines leur aurait permis de se doter d’équipements d’énergie solaire afin de combler progressivement le gap ».

Sébastian Chi Elvido à l’Est

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