Adamaoua : Le projet de Barrage de Bini à Warak à l’abandon
Entrée principale du site du barrage hydroélectrique de Bini à Warak (photo, DMS, le 7 mars 2024)

Le projet de Barrage de Bini à Wara dans l’Adamaoua

Lancés en 2017, dans le sillage des grands travaux d’infrastructures initiés dans le pays en 2012, les travaux de construction et d’aménagement hydroélectrique du barrage Bini à Warak interrompus en 2018, tarde à prendre corps Le projet de Barrage de Bini à Warak. Selon la société Britannique Savannah Energy RCM Limited, qui a remplacé l’entreprise chinoise Sinohydro, les travaux de développement et d’études, incontournables pour le financement du projet hydroélectrique devenu hybride de Bini à Warak, se poursuivent avant le début effectif des travaux.  Las d’attendre la réalisation du projet, les habitants crient leur ras-le-bol.

Warak, ce 07 mars 2024. Il fait beau temps en cette mi-journée dans cette bourgade de la région de l’Adamaoua qui abrite le projet de construction du barrage hydroélectrique de Bini. A l’entrée du site, un vigile en faction monte la garde Le projet de Barrage de Bini à Warak.  Habillé en uniforme jaune, il est installé dans un box aménagé et alimenté par un lampadaire solaire. « Il y a des chinois sur le site », lance un riverain.

A perte de vue, on aperçoit des buissons qui dominent des champs de manioc. Sur la rive gauche du fleuve devant abriter le futur barrage de Bini à Warak, une broussaille s’est développée. Non loin de là, une grande fosse s’ouvre sur des riverains qui s’exercent à des parties de pêche. En 2017, l’ex ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Basile Atangana Kouna, a lancé à cet endroit les travaux d’excavation du barrage.

Ces travaux consistent à creuser la fosse de retenue d’eau. Visiblement, cette fosse envahie par des herbes, n’a pas reçu la moindre cure depuis des lustres.  Aujourd’hui, une partie de cet espace est occupée par des petits lacs entourés de terre ferme que les riverains ont transformée en séchoir. Méfiants, ces occupants rencontrés sur les lieux se sont réservés de tout commentaire.

Le site de construction du barrage de Bini à Warak est pratiquement désert. Tout comme à l’entrée principale, des vigiles surveillent les différentes zones situées à l’intérieur de la plateforme Le projet de Barrage de Bini à Warak. Notamment de la zone d’implantation des infrastructures, de la base vie, du site dédié au concassage des graviers et au stockage du sable. « Quelques ouvriers Chinois sont encore là. On nous fait savoir qu’ils vont travailler avec Savannah », confie un riverain sous anonymat.

Site des travaux d’excavation du barrage de Bini Warak (crédit photo : DMS, le 07 mars 2024)

Depuis 2019…

Les travaux de construction et d’aménagement du barrage hydroélectrique de Bini Warak doté d’une capacité de 75 mégawatts (MW) sont aux arrêts depuis 2019. Les riverains rencontrés le 7 mars 2024 témoignent que les chinois ont sorti leurs engins le 05 août 2022. Le directeur des travaux de l’entreprise chinoise Sinohydro expliquait alors au maire de Ngan-Ha, par note d’information du 25 août 2022 qu’il n’était pas question d’une désertion du site, mais bien du « déplacement provisoire de notre matériel mobilisé pour la réalisation des travaux d’aménagement du barrage hydroélectrique de Bini à Warak ».

Dans cette note, il a expliqué que « conformément à la convention signée entre l’Etat du Cameroun et notre société qui prévoyait le lancement des travaux en 2017, nous avons mobilisé un ensemble de matériaux dans le but d’honorer nos engagements contractuels ». Cependant, explique Sinohydro, rendu à ce jour, ce matériel déjà presqu’au terme de sa période normale d’amortissement, n’a pas encore été utilisé pour des raisons administratives ne relevant pas de notre responsabilité Le projet de Barrage de Bini à Warak. Cette situation cause de sérieux préjudices financiers à notre société et c’est dans l’optique de minimiser ces préjudices que nous avons jugé opportun de redéployer notre matériel sur d’autres chantiers dont nous avons la charge, souligne le directeur des travaux de Sinohydro.

Le projet de Barrage de Bini à Warak Savannah Energy

Financé à hauteur de 181,8 milliards de F Cfa, ce barrage n’a pas pu voir le jour sous l’ère chinoise. Le 20 avril 2023, le ministre de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, a signé un protocole d’accord avec la société Britannique Savannah Energy RCM Limited, « en vue de la réalisation des études de faisabilité, le financement, le développement, la construction et l’exploitation du barrage hydroélectrique de Bini à Warak en mode partenariat public-privé ». Dans le budget d’investissement public BIP 2023 de l’Adamaoua, le chantier du barrage de Bini Warak bénéficiait d’un montant de 26,2 milliards F Cfa.

Depuis la signature du protocole d’accord avec cette nouvelle entreprise, les engins n’ont pas encore investi les lieux Le projet de Barrage de Bini à Warak. L’entreprise Britannique qui va poursuivre et finaliser n’exclut, souligne-t-elle, aucune possibilité en ce qui concerne une collaboration avec la société chinoise avec qui elle s’entretient « pour permettre une relance rapide des travaux ».

Selon Savannah Energy, les experts et consultants internationaux mobilisés ont procédé à un état des lieux des études et des constructions réalisées dans le cadre du projet. Une revue qui a permis d’identifier les études complémentaires à réaliser et les pistes d’optimisation du projet initial. D’après une source interne, au courant de l’année 2023, Savannah Energy a réalisé un ensemble d’études hydrologiques et de relevés sur le terrain qui lui ont permis de proposer une augmentation significative de la capacité de production et du rendement de l’ouvrage en introduisant une source d’énergie solaire, ce qui est une première au Cameroun.

Et notre source qui a requis l’anonymat de poursuivre que dans le cadre de la recherche de financement, l’entreprise britannique travaille à la mise à jour des études d’impact environnemental et social afin de les rendre conforme aux exigences des bailleurs de fonds internationaux. « En décembre 2023, Savannah Energy a présenté les résultats de ses travaux de développement en proposant au gouvernement une solution hybride optimisée qui a reçu l’aval du Minee. Depuis lors, ils continuent les travaux de développement et d’études détaillées en se fondant sur ce nouveau design », a-t-on appris de notre source. Selon les responsables de l’entreprise, ces étapes sont des préalables nécessaires et incontournables pour un financement du projet selon les standards internationaux et une reprise cette fois ci sans interruption aucune des travaux de construction du projet hydroélectrique devenu hybride de Bini à Warak.

Une vue de la base vie du chantier du barrage de Bini Warak le 7 mars 2024 (crédit photo : DMS)

Pas de développement en général…

A Mbang-Mboum, une bourgade attenante au projet de construction du barrage hydroélectrique de Bini à Warak, situé à 60 km de Ngaoundéré, certains habitants s’indignent par rapport à l’évolution des travaux de ces infrastructures lancés en 2015 par l’entreprise chinoise Sinohydro. Mais aucun de ceux rencontrés ne veut s’exprimer ouvertement sur le sujet. « On ne peut plus écouter d’énième promesses incertaines. Chaque fois, les gens viennent ici avec la bouche pleine de promesses. A la limite, on comprend que c’est de la comédie. Mais, sachez que ça ne va pas », clame un riverain désespéré qui a requis l’anonymat.

Pour un autre riverain, « si on ne construit pas le barrage, on prévient qu’on ne votera plus. Regardez à quoi ressemble notre village. Pas de route, pas d’infrastructures, pas de développement en général Le projet de Barrage de Bini à Warak. Nous avions un grand marché de l’arrondissement de Ngan-Ha, maintenant, nous sommes derniers. L’homme, c’est sa parole. Le chef de l’État a parlé, les ministres ont parlé, mais, nous ne voyons encore rien ».

Tout comme la communauté souhaite la reprise des travaux, des victimes espèrent percevoir leur indemnité. Dans le cadre de ce projet, une commission de constat et d’évaluation des biens a été mise en place. « Moi, je suis particulièrement mécontent parce qu’on a enregistré mon champ, comme ceux des autres. Personne jusqu’à ce jour, n’est indemnisé. Nous sommes plus de 1000 à Mbang-Mboum. On nous a dit que dès 2023, nous devrions déjà être délocalisés dans le nouveau site », déplore Abbo Amadou, notable à la chefferie de Mbang-Mboum.

En effet, environ 2500 personnes, soit 420 ménages seront​ involontairement déplacés du fait de la mise en eau du barrage de Bini. Les villages Mbang-Mboum, Sangha et Ndouar, en particulier, sont entièrement submergés, selon le bureau d’étude associé au projet Le projet de Barrage de Bini à Warak. Et au total, la construction du barrage hydroélectrique affecte 18 villages de l’arrondissement de Ngan-Ha, 04 de l’arrondissement de Ngaoundéré 2e  et 04 de Ngaoundéré́ 3e.

« Nous avons reposé beaucoup d’espoir car ce projet nous permettra de sortir de l’ombre. Nos espoirs étaient basés sur la reconstruction du village sur un standard moderne, l’électrification de la zone, le bitumage de nos axes routiers, l’arrivé des nouvelles opportunités à l’exemple des activités lié à la pêche, le dédommagement de nos champs, biens, maison, patrimoine culturelle et ancestrale », affirme Adamou Sanda Kaïgama, président de l’Association pour le développement des riverains de la Bini. Un espoir qui s’estompe chaque jour au vu de l’évolution du projet.

Esplanade de la chefferie supérieure de Mbang-Mboum le 07 mars 2024 (crédit photo : DMS)

Pourtant, en 2016, dans un entretien accordé au quotidien public, Cameroon tribune du 17 août 2016, Justin Mvondo, alors préfet de la Vina a évalué le niveau de travail de la commission entre 70 et 80%. Il a relevé : « c’est un projet très important qui tient à cœur le gouvernement. Sur le plan administratif, nous avons mis en place la Commission de constat et d’évaluation des biens. Les déclarations d’utilités publiques (DUP) ont déjà été signées par le ministre en charge des Domaines Le projet de Barrage de Bini à Warak. Il y a une DUP qui concerne la voie d’accès d’une longueur de 7 km environ. La deuxième DUP concerne la plateforme du réservoir qui s’élève à plus de 17000 hectares et la troisième DUP concerne la ligne d’évacuation électrique qui s’étend sur 49 Km environ ».

Le projet de Barrage de Bini à Warak L’offre énergétique

L’Adamaoua et ses deux régions sœurs que sont le Nord et l’Extrême-Nord, attendent des améliorations de l’offre en énergie électrique. Les 75 MW du barrage de Bini Warak viendront s’ajouter à l’offre déjà disponible. D’une capacité de production de 72 MW et inauguré en 1986, le barrage hydroélectrique de Lagdo, ne peut produire qu’environ 20 MW en ce moment. Ce barrage situé à 65 km de Garoua, constitue la principale source d’approvisionnement en énergie électrique de la partie septentrionale du pays.  Selon le Minee, dans son enquête nationale sur l’accès, les régions de l’Extrême-Nord (21 %) et du Nord (28 %) ont les pourcentages de ménages ayant accès à au moins une source d’électricité les plus faibles au Cameroun.

La vétusté de ses installations, la faible pluviométrie et l’ensablement sont les éléments qui entravent le fonctionnement optimal de ce barrage. Incapable de fournir l’électricité nécessaire dans le réseau interconnecté Nord (RIN) selon l’entreprise en charge de la distribution de l’énergie électrique, Eneo. Plusieurs autres installations sont mises en place dans certaines localités pour pallier ce problème. C’est le cas des centrales solaires de Maroua et de Guider qui fournissent 30 MW dans le RIN. A cela s’ajoutent le transfert du réseau interconnecté Sud (RIS) et l’installation à Ngaoundéré et Garoua-Djamboutou de 24 MW supplémentaires de capacités thermiques, soit 12 MW pour chacun des sites en 2021.

Ces centrales isolées dans la partie septentrionale sont installées à Touboro et Poli dans la région du Nord ; Tignère, Banyo et Ngaoundal dans la région de l’Adamaoua Le projet de Barrage de Bini à Warak. Dans son bulletin des services de la communication pour l’année 2021, dont nous avons reçu une copie, Eneo indique que ces installations font partie des 16 groupes dans 12 centrales produisant une puissance totale de près de 4 MW à travers le pays.

Daniel Memonko Sadou

Mots – clés :

Projet de Barrage

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