Exploitation forestière : Dans les entreprises vietnamiennes, les Camerounais gagnent environ 2500 F Cfa par jour.
Source - EIA-CED, 2020_DataViz by ADISICameroun

Certaines sociétés vietnamiennes, selon l’EIA, emploient des camerounais, généralement payés moins de sept dollars par jour sur des périodes importantes sans contrat écrit, les oppriment et maltraitent.

« Dans cette scierie, nous avons quatre employés administratifs, 15 à 16 scieurs vietnamiens, et 50 à 60 ouvriers Noirs qui les aident… Les Noirs sont bon marché : environ 100 000 dongs vietnamiens [4,3 dollars US] par jour, sans compter la nourriture. Ça fait environ 2 500 CFA par jour… Mais c’est suffisant, parce qu’en réalité, ils sont vraiment très stupides. Ce sont de vrais idiots. Ce sont des imbéciles, des affamés. » Tels sont les propos du responsable d’une structure vietnamienne de commerce de bois au Cameroun, rapportés dans l’enquête réalisée par le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) et l’Environmental Investigation Agency (EIA), publiée le 10 novembre 2020. Cet investisseur résume en ces quelques mots, le traitement inhumain, raciste et colonialiste, infligé aux Camerounais dans les structures vietnamiennes qui exploitent le bois local.

D’après ce rapport qui a nécessité trois années d’investigation, certaines sociétés vietnamiennes opèrent en violation de la législation du travail camerounaise. Elles emploient, des travailleurs sur des périodes importantes sans contrat écrit et au mépris des règles relatives à la protection des travailleurs dans les parcs à bois et scieries. Ces sociétés, par ailleurs, oppriment et maltraitent les travailleurs camerounais, généralement payés moins de sept dollars par jour et profitent de la situation économique désastreuse du pays pour briser les grèves et mettre de côté les revendications des travailleurs camerounais visant à de meilleures conditions de travail.

Les entrepreneurs vietnamiens, expliquent les enquêteurs d’EIA, profitent du faible salaire minimum légal au Cameroun (environ 65 dollars US par mois), l’un des plus bas de la région, pour abuser de leurs employés. Par ailleurs, ils exploitent leurs scieries en violation du Code du Travail camerounais, notamment en ce qui concerne l’obligation de signer un contrat à court ou à long terme avec leurs employés, conformément à l’Article 23 du Code du Travail.  Par conséquent, de nombreux salariés camerounais qui travaillent dans des sociétés vietnamiennes n’ont pas de bulletins de paie mensuels, en violation de l’article 61 du Code du Travail. Un traitement qui a des conséquences directes sur la santé et la sécurité. « Les autorités contactées, dont le ministre du Travail et de la Sécurité sociale et le directeur général de la Caisse nationale de Prévoyance sociale (CNPS), n’ont donné aucune suite », souligne l’EIA.

Ils s’opposent également à la signature des contrats à long terme avec leurs travailleurs camerounais, afin d’exercer une certaine pression sur eux et de limiter leurs droits. « Il suffit de donner aux travailleurs camerounais un maigre salaire. Ici, il s’agit juste de 45 à 50 000 CFA par mois. Mais, il ne faut pas qu’ils soient au courant de notre taux de rémunération réel.  Nous payons entre 3 500 et 4 000 CFA maximum et 3 000 si le déjeuner est inclus », affirme un entrepreneur vietnamien dans ce rapport.

A l’issus de cette enquête qui met à nu l’essor du commerce illégal du bois entre le Cameroun et le Vietnam, l’EIA et le CED recommande au gouvernement camerounais, de  s’appuyer sur les efforts interinstitutionnels existants pour enquêter et poursuivre les sociétés sous contrôle Vietnamiens, y compris leurs réseaux de facilitateurs et collaborateurs comme les transitaires, centrant les efforts sur l’approvisionnement et l’exportation du bois, les opérations financières et les conditions de travail ;  de déclarer et appliquer une interdiction d’exportation complète des grumes. Aux deux Etats concernés par ces trafics, les enquêteurs suggèrent de formaliser, via un protocole d’accord entre le gouvernement camerounais et vietnamien, le partage des données, les enquêtes et efforts de renseignement conjoints, ainsi que la poursuite des criminels forestiers.

Marie Louise MAMGUE

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