Mortalité maternelle : Au Nord, le taux passe de 9,23‰ en 2015 à 1,84‰ en 2021
Nombre d'accouchement

Même si les tabous influencent encore les consultations prénatales dans cette région, le projet chèque santé a permis en 7 ans de réduire le nombre de femmes mortes des suites d’une grossesse ou d’un accouchement.  

Centre de santé intégré (CSI) de Roumdé Adjia à Garoua, il est 9h, ce 12 avril 2022. Les services de maternité sont ouverts. Les femmes enceintes attendent d’être consultées. « Je suis venue pour la consultation prénatale. Les autres sont déjà rentrées, nous étions nombreuses aujourd’hui », confie Halima. Les consultations prénatales se font chaque jour de lundi à vendredi, affirme Vri Tao, maïeuticien, major de la maternité, un exercice très important pour la femme enceinte.

 Pour davantage motiver les femmes à faire des visites prénatales, cet établissement sanitaire de la région du Nord, a souscrit au projet chèque santé. Une initiative du ministère de la Santé publique (Minsnaté) du Cameroun, financée par la France (AFD-C2D) et l’Allemagne (KFW). Le projet a pour but d’augmenter le nombre de femmes qui accouchent dans une structure sanitaire afin de réduire le risque de mortalité lors de l’accouchement.

Grâce aux subventions des bailleurs de fonds et du gouvernement Camerounais, le chèque santé coûte 6000 F Cfa pour toutes les prestations. « Le chèque santé agit comme une assurance pour la femme enceinte. Grâce à la vingtaine de relais communautaires qui sensibilisent les femmes, il y a de plus en plus de souscription à ce programme gouvernemental. On suit le couple mère-enfant jusqu’à 42 jours après l’accouchement », explique Manie Zoua Abatcha, ajointe au chef de centre de santé intégré de Roumdé Adjia. Plusieurs services sont offerts aux souscripteurs. « Une femme chèque a droit à 4 consultations prénatales, une échographie, des examens de laboratoires tels que le groupe sanguin, le facteur rhésus, le syphilis, l’hépatite B, l’examen du Sida, entre autres », égrène Vri Tao.

Décès

Depuis la mise en œuvre du programme chèque santé par le Minsanté, en juin 2015, la mortalité maternelle et néonatale a fléchi dans le Nord. La région se défait progressivement de sa triste réputation. Les accouchements à domicile et sans assistance médicale appropriée sont de moins en moins récurrents. « Moins de femmes enceintes perdent la vie en donnant la vie ces dernières années dans la région du Nord », a déclaré Emmanuel Betsi, chef d’antenne régionale du Projet Chèque Santé. « La courbe de la mortalité infantile est décroissante. En 2015, nous étions à 193 décès et en 2021, nous sommes à 108 décès », a témoigné le Dr Yaou Alhadji Zakari, délégué régional de la Santé publique du Nord.

Sur la même période, le taux de mortalité maternelle institutionnel a progressivement régressé, et passe de 9,23 ‰ en 2015 à 1,84 ‰ en 2021. Ceci, après avoir stagné entre 2019 et 2020 (2,65 et 2,39‰).  Il en est de même pour le taux de mortalité néonatale institutionnel, qui est passé de 18,82‰ en 2015 à 11,14‰ en 2021. Les accouchements par césariennes avec chèque santé est de 3% en 2021. Ce taux est en dessous de la moyenne qui est de 5%. Malgré cette insatisfaction, le taux d’accouchement assisté est croissant, passant de 36% au 1er trimestre à 66% au 4e trimestre de l’année 2021.

Cependant, il faut encore un effort supplémentaire pour convaincre davantage les femmes enceintes à souscrire au projet dans la région. « Le 1er défi c’est le nombre de femmes enrôlées. L’année dernière, nous étions à 39 000 femmes. Mais cette année, nous passons à 48 000 femmes et le 2e défi c’est l’enrôlement de nouvelles formations sanitaires en fin d’année. Il y a l’aspect prestation, convaincre toutes les femmes enceintes d’acheter le chèque », a indiqué Dr Mahamat Abassora, administrateur du Fonds régional pour la promotion de la santé.

Couverture sanitaire

Le 15 mars dernier, une réunion d’évaluation annuelle des activités du chèque santé a permis de présenter les résultats des efforts consentis dans la réduction des risques de perte de vie des femmes enceintes. Ainsi, 37 formations sanitaires (Fosa) intra district et 102 Fosa extra district ont été accréditées pour l’enrôlement des femmes enceintes. Ce qui porte à 202 formations sanitaire ayant souscrit au projet en 2021. Le programme qui couvre 15 districts de santé, selon Moussa Samuel Sodea, le responsable Marketing, a permis d’enrôler 89 556 femmes enceintes entre 2015 à 2021.

Sept ans après sa mise en œuvre dans le Grand-Nord, le défi de l’accès à la bonne information reste toujours une priorité. « Le chèque santé ne donne pas des habits aux nouveau-nés, il y a des femmes, qui après l’accouchement, attendant qu’on sorte des vêtements suite au contrat du chèque santé », souligne Vri Tao. Le management mise davantage sur la synergie d’action rapprochant les leaders traditionnels et religieux, les associations et les médias, afin de renforcer et d’améliorer le taux de vente du chèque santé, qui en fin 2021 était de 72% contre 44% en 2020.

Plusieurs difficultés entachent le bon déroulement du processus dans les formations sanitaires de la zone régionale de couverture du projet. « Les tabous influencent beaucoup dans la participation des femmes aux consultations prénatales dans nos hôpitaux, leur niveau d’instruction qui est très bas, ce qui rend un peu difficile leur accessibilité pendant la grossesse. On a les causes financières et économiques. Perdre une femme pour nous c’est quelque chose de trop, qu’il faut éviter », a confié Dr Yaou Zakarie Alhadji.

Jérôme Baïmélé à Garoua.

 

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