Mortalité néonatale : le décès des bébés prématurés chute de près de 40 % à l’Est

Depuis 2018, dans 5 des 14 districts de santé de la région, le nombre de décès des enfants prématurés a considérablement baissé grâce à la mise en place de la méthode Kangourou Mother Care (KMC). Cependant, dans les 09 autres districts non couverts par le projet, la mortalité néonatale demeure un problème de santé publique.

Abdoul Ganihou est le seul enfant survivant des trois grossesses de Hadjaratou, une refugiée centrafricaine du camp de Gado-Badzéré dans le district de santé de Garoua-Boulaï, département du Lom-et-Djerem, région de l’Est. Selon cette mère d’enfant d’environ 24 ans, « des deux premières grossesses, sont nés des enfants prématurés et de faibles poids qui n’ont pas survécu ».

Dans le district de santé de Kétté dans la Kadey qui couvre les arrondissements de Kétté et Mbotoro, la mortalité néonatale demeure un problème de santé publique. D’après le chef de district, Dr Azeh Ote, « en 2019 le district de santé de Ketté a enregistré 63 décès néonataux sur lesquels 55, soit 87% sont survenus dans les 24 premières heures de naissance. En 2020, le district de Santé de Ketté a déclaré 25 décès avec 03 cas enregistrés en communauté ». Le chef de district précise que Kétté partage une longue frontière avec la République Centrafricaine (RCA) et abrité plusieurs réfugiés dispersés dans les communautés.

Ces réfugiés, note-t-il, constituent 30% de cette population d’environ 77.000 âmes et sont très vulnérables à cette problématique de la santé publique. Parmi les causes dans cette zone, le Dr Azeh Ote évoque « les complications qui surviennent lors des accouchements, les naissances prématurées, les malformations congénitales, les faibles suivi pendant les grosses, les longues distances entre les formations sanitaires car les femmes enceintes dans certains cas doivent marcher plus de 15 kilomètres pour atteindre une formation sanitaire, la coutume courante d’accoucher à domicile et l’absence du personnel qualifié ».

Le district de santé de Yokadouma dans la Boumba-et-Ngoko qui couvre 2 arrondissements présente pratiquement les mêmes caractéristiques que Kétté. « La particularité du district de santé de Yokadouma c’est son étendu. Il s’étend sur une grande superficie d’environ 320 000 Km2. Nos aires de santé sont disparates. A Masséa qui est l’aire de santé le plus vaste, on peut parcourir sensiblement 200 km pour rallier la dernière formation sanitaire, ce qui rend la tâche difficile aux femmes enceintes à faire des consultations prénatales et certaines se trouvent dans l’obligation d’accoucher en communauté ou chez les tradipraticiens », reconnait le chef de district, Dr Didier Joher.

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Selon les statistiques du ministère de la Santé publique, la mortalité néonatale persiste dans la région de l’Est. D’autres causes de ce fléau, diagnostiqués par le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA) sont : « la méconnaissance du planning familial, les grossesses précoces, l’ignorance des méthodes de contraception, la pauvreté ambiante des femmes enceintes, les fistules obstétricales à cause des naissances difficiles et la carence de formations sanitaires et du personnel qualifié ».

Kangourou Mother Care

En réponse à cette problématique, l’UNICEF met en œuvre le projet Kangourou Mother Care (KMC) pour le bien être des nouveau-nés prématurés et de faible poids de naissance. Le projet est mis en œuvre par la délégation régionale de la Santé publique de l’Est, en partenariat avec la Fondation kangourou Cameroun.

« Quand je suis tombée enceinte pour la 3ème fois, j’ai commencé à perdre les eaux alors que je n’avais que trois mois de grossesse. Je suis partie en consultation à l’hôpital de district de Garoua Boulaï où j’ai fait un accouchement prématuré. Mon bébé avait un poids de 1900g à la naissance. Les médecins m’ont immédiatement recommandé la méthode kangourou que je n’ai pas hésiter à appliquer. Aujourd’hui, je suis très heureuse de voir que grâce à cette méthode, mon enfant qui avait un petit poids a survécu et se porte très bien », relate Hadjaratou, la refugiée centrafricaine qui avait déjà perdu 2 enfants nés prématurés.

La méthode Kangourou Mother Care couvre une population d’environ 1 095 168 habitants, dont 39 285 femmes enceintes et 38 628 naissances vivantes dans cinq des quatorze districts de santé de l’Est. Il s’git des districts de santé de Bertoua, Batouri, Abong-Mbang, Doume et Garoua-Boulai. « Depuis plusieurs années environ 60% d’enfants nés prématurément ou de faible poids ne survivaient pas. Mais, depuis 2018, ce taux a chuté à 20% », affirme le major de la maternité de l’hôpital régional de Bertoua. Au Centre de santé catholique intégré de Nkolbikon comme à l’Hôpital protestant de Garoua-Boulaï, le nombre de décès des enfants prématurés a aussi considérablement baissé depuis deux ans.

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Difficultés

Selon Francisca Ottop Manyi, point focal santé nouveau-né à la délégation régionale de la Santé publique pour l’Est, « le projet kangourou a réduit de 30 à 40% la mortalité infantile dans les formations sanitaires concernées ». Cependant, elle regrette certains obstacles qui continuent d’entacher la prise en charge des patients. « Dans la mise en œuvre de ce projet, il se pose un problème avec le personnel dont ceux formés ne sont pas stables, ils sont affectés, certains obligés de bouger pour des raisons familiales. Et, nous ne pouvons rien y faire car cela ne dépend pas de nous. Aussi, avons-nous des difficultés de faire venir certains parents pour les consultations ambulatoires car la méthode se fait à l’hôpital et après à la maison. A côté de cela, il y a aussi l’aspect culturel où dans notre région, les musulmans et refugiés sont majoritaires et ce sont eux qui font beaucoup plus de bébés prématurés et des bébés de faibles poids de naissance. Et la décision d’accepter la méthode kangourou ne dépend pas de la mère, mais beaucoup plus du père ». Pour surmonter ces difficultés, la délégation régionale a opté pour la sensibilisation à travers les religieux et agents communautaires.

Sébastian Chi Elvido à Bertoua

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