CEMAC : Menace sur les langues officielles (Partie 3)
Me. Paul Nana Simo

Menace sur les langues officielles dans la CEMAC

Me. Paul Nana Simo, avocat au barreau du Cameroun et New York dénonce la caducité des Règlements CEMAC qui en font un espace monolingue, en violation de son Traité fondateur qui rend la CEMAC plurilingue : risques autour des langues officielles exclues de ses institutions, et voies de résolution langues officielles.

langues officielles Quelles voies de solution ? Recommandations pratiques

  1. Face à cette situation qui émane des institutions sous-régionales, que faire ? Partant de la perspective du Cameroun, nous avançons trois (3) propositions concrètes. Elles sont de nature transversale et mériteraient l’attention de la Présidence de la République et des services du Premier Ministre, afin d’assurer une coordination gouvernementale de ces mesures. Nous avons trois propositions concrètes :
    1. Adopter un instrument national, sous forme d’un Circulaire ou d’une Instruction, articulant la politique à adopter par le Cameroun au sein des instances sous-régionales, communautaires, et supranationales, en matière de prise en compte des deux langues officielles du Cameroun. Le Cameroun dispose de tout un arsenal d’instruments visant à protéger l’utilisation de ses deux langues officielles, sur son territoire national et au sein de ses institutions nationales langues officielles. En revanche, il n’a pas un texte contraignant qui guide sa politique linguistique au sein des regroupements sous-régionaux et communautaires, auquel il a transféré certaines compétences régaliennes sous des traités et autres accords, nécessitant un accès direct par des citoyens Camerounais (utilisant l’anglais ou le français) à ces institutions.
  1. Le dispositif en place pour assurer la pleine utilisation des deux langues officielles dans les institutions nationales, comprend : la Constitution en son Article 1(3) qui énonce le principe de l’anglais et du français comme langues officielles d’égale valeur, la loi sur la promotion des langues officielles du 24 décembre 2019, le Décret n° 077/04/PR du 06 janvier 1977 sur la publication des textes officiels dans le Journal Officiel, l’Instruction n°03/CAB-PR du 30 mai 1996 sur la préparation, la signature et la publication des textes officiels dans les deux langues officielles, le Circulaire n°001/CAB-PM du 16 aout 1991 sur la pratique du bilinguisme dans l’administration publique, le Circulaire n°A685/CAB-PM du 25 avril 2000 sur la pratique du bilinguisme dans des établissements Etatiques et para Etatiques, le Circulaire n°A490/SG-PR du 4 février 2003 pour réitérer l’option constitutionnelle pour le bilinguisme, le Circulaire n°A685/SG-PM du 24 mars 2003 sur le respect l’option constitutionnelle pour le bilinguisme, le Circulaire n°008/CAB-PM du 18 septembre 2003 sur la publication des appels d’offre en anglais et en français, et le circulaire n°007/CAB-PM du 23 aout 2003 sur la création et l’utilisation des sites internet par les Départements Ministériels, des établissements publics et parapublics.
    1. Créer un Comité technique interministériel chargé du suivi des processus d’élaboration, de publication, et de traduction des instruments réglementaires et normatifs de droit communautaire, et des décisions des organes sous-régionaux principalement au sein de la CEMAC.
  2. Ce Comité devra assurer que ces institutions affectent du personnel et des fonds pour accélérer la disponibilité de tous leurs textes normatifs et réglementaires dans les deux langues officielles du Cameroun. Celles-ci étant des langues de travail de ces institutions, au regard de leurs textes fondateurs. Ce Comité devra aussi assurer une fonction de veille stratégique, sur la conformité de ces institutions sous-régionales avec leurs propres politiques en faveur du plurilinguisme. Le Comité, sous la supervision des services du Premier Ministre, devra être composé des départements ministériels suivants : MINREX (Sous-direction Afrique centrale/Sous-direction CEMAC ; Direction des Affaires Juridiques et des Conventions Internationales), MINFI (Unité Législation/ Codification – Direction du Trésor, de la Coopération Financière et Monétaire), MINJUSTICE (Direction de la Législation), et MINEPAT (Direction Général Coopération et Intégration Régionale).
    • Adopter un programme d’appui et de mise à disposition des ressources humaines Camerounaises dans les domaines de la traduction et l’interprétation au service des instances régionales de la CEMAC, notamment dans la combinaison des langues Français – Anglais – Espagnol, pour lequel le Cameroun regorge des traducteurs et interprètes bien formés.
  1. Les Etats membres de la CEMAC disposent éminemment des ressources humaines nécessaires pour rendre leur institution sous-régionale plurilingue. Toutes les langues de travail de la CEMAC (français, anglais, arabe, espagnol) le sont parce qu’elles sont des langues officielles dans l’un ou l’autre pays de la communauté langues officielles. Dans les paires de langues les plus pratiqués dans la sous-région (français-anglais, français-espagnol, anglais-espagnol, français – arabe) il existe un socle de personnes formés dans le domaine de la traduction et l’interprétation, qui peuvent manier ces langues. Dans toute institution internationale par définition plurilingue, le service de traduction, interprétation, et conférences est un service clef et indispensable. En assurant la production des documents de travail à temps dans les langues respectives, en fournissant l’interprétation simultané lors des conférences, assisses, et réunions, ces services rendent ces institutions pleinement opérationnelles. Pour leur personnel en service, et les candidats aux postes vacants, une langue additionnelle constitue un atout de poids. Les Etats-membres, comme le Cameroun sont bien placés pour faciliter la tâche des institutions de la CEMAC, en leur fournissant des profils de professionnels de la traduction-interprétation, diplômé et certifié dans ce domaine, auxquels les institutions sous-régionales peuvent faire recours, y compris à court terme, par le mécanisme de mise à disposition administrative langues officielles. Tout en développant la capacité budgétaire des institutions sous-régionales à recruter et à se doter de leur propre personnel spécialisé en traduction-interprétation.

Me. Paul Nana Simo

Spécialiste en Droit International Public et Résolution de Conflits

*Le titre et le chapeau sont de la rédaction.

Mots – clés :

Politique linguistique

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