Conditions de détention: 206 détenus décédés en 2016 au Cameroun

La prévalence élevée de pathologies liées à la promiscuité dans les prisons camerounaises, est à l’origine de ces décès qui sont passés de 76 détenus en 2014, à 184 en 2015 pour grimper à 206 un an plus tard.

Les conditions de détention précaires des prisonniers au Cameroun, est un secret de polichinelle. Entre la surpopulation, l’insalubrité et la vétusté des prisons, les détenus doivent également surmonter les abus judiciaires. Au Cameroun, l’effectif carcéral est passé de 25 300détenus en 2013 à 30 701 en décembre 2017.Les taux d’occupation des prisons varient de 90 % à 294 % par région. Ces données sont issues du rapport intitulé « Condamnés à l’oubli.  Mission d’enquête dans les couloirs de la mort- Cameroun » réalisé par le Réseau des avocats camerounais contre la peine de mort (Racopem) et l’association Ensemble contre la Peine de mort (Ecpm), publié en septembre 2019, dans le cadre de la collection « Missions d’enquête » d’Ecpm.

Les auteurs de cette enquête soulignent que la surpopulation carcérale est extrême dans certaines prisons. Notamment, la prison de Maroua dans l’Extrême-Nord qui affiche un taux d’occupation supérieur à 571%. Construite en 1935 avec une capacité de 350 personnes détenues, cet établissement pénitencier en comptait en octobre 2018 plus de 2 000.  La prison centrale de Kondengui à Yaoundé, d’une capacité de 1 500 personnes, en accueillait plus de 4 250 en fin 2016. De même, la prison centrale de Douala, d’une capacité de 800 personnes, en comptait plus de3 000 la même année, tandis que celle de Garoua, qui dispose 500,en accueillait 2 000 en juin 2017.

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Au cœur de cette inflation de prisonniers, les conditions de détention sont unanimement décriées, et peuvent constituer des traitements inhumains, cruels et dégradants, ausens de la Convention contre la torture, à en croire les auteurs de « Condamnés à l’oubli ». Cette promiscuité est en partie, à l’origine des décès enregistrés dans le milieu carcéral. « Au regard du nombre de personnes détenues, les ressources humaines médicales, les installations sanitaires et les intrants médicaux sont très insuffisants pour répondre aux besoins. On note une prévalence élevée de pathologies liées à la promiscuité, comme la tuberculose, le Vih – Sida, le choléra, la gale, les maladies diarrhéiques, ainsi qu’un nombre alarmant de décès », révèle le rapport.

Choléra

En effet, le nombre de décès est passé du simple au double. Selon le ministère de la Justice, 76 détenus sont décédés en 2014, une partie d’entre eux du fait d’une épidémie de choléra et de gastro-entérite à Maroua et à Kribi. Ce chiffre a doublé en 2015 avec 184 décès enregistrés contre 206 en 2016. Ces décès sont parfois la conséquence des conflits entre détenus.  Le rapport indique qu’une personne a été tuée à Douala, en novembre 2018, par un autre détenu pendant une bagarre concernant un espace de couchage. Ces conflits sont également déclenchés par les prisonniers, pour dénoncer leurs mauvaises conditions de détention. Le dernier en date est la mutinerie dans les prisons centrale de Yaoundé et Buea, en juillet 2019.

Toutefois, les conditions de détention sont dépendantes des ressources financières et du statut social des personnes détenues. À Yaoundé,certains sont logés dans le quartier « VIP »

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De la prison dévolue aux hauts fonctionnaires, qui sont ainsi protégés de la surpopulation carcérale, alors que d’autres vivent dans les quartiers 8 et 9, communément appelés « Kosovo », quartiers redoutés où les violences entre détenus sont fréquentes. Pour résoudre ce problème, le gouvernement camerounais cherche à augmenter la capacité d’accueil et à construire de nouvelles prisons.

Marie Louise MAMGUE