Crise anglophone : Le récit d’un survivant de Ngarbuh
Manifestation en zone anglophone

Après avoir perdu plusieurs membres de sa famille dans les fusillades de Ngarbuh, un hameau situé dans la région du Nord-Ouest, le 14 février 2020, cette victime de la crise anglophone est désormais sans repère.

Tout a commencé par les fusillades. Il était environ 5 heures, le 14 février 2020 dans un hameau situé dans le département de Donga Mantung, dans la région Nord-Ouest Cameroun. « J’ai fui et je me suis caché en brousse », témoigne John (Nom d’emprunt Ndr), l’un des survivants des fusillades qui ont décimé plusieurs membres de sa famille, dans un pidgin soutenu (Une langue populaire au Cameroun, à base lexicale anglaise).

John est un homme traumatisé par les évènements. Un drame horrible, qui marquera à jamais sa vie. Ce jour-là, John a perdu plusieurs membres de sa famille, assassinés par des hommes armés. « J’ai entendu des pleurs, mais quand je voulais sortir de ma cachette, j’ai aperçu deux hommes sur une moto arborant des treillis militaires venir dans ma direction. J’ai dû rebrousser chemin. Je me suis refugié vers la colline. De ma cachette j’ai encore aperçu 9 autres hommes avec le même accoutrement », explique cet homme au traits fatigués.

Des cris, des pleurs à n’en plus finir. John peine à trouver les mots exacts pour décrire cette scène macabre qu’il doit affronter lorsqu’il brave sa peur pour sortir de sa cachette. Il est environ 10 heures. Cette localité de près de 7 concessions semble plus calme, après ce qui peut s’apparenter à une éternité de torture. Une ambiance plutôt inquiétante.

Village détruit

« J’ai fait le tour des maisons. Je n’en revenais pas. J’ai vu des enfants criblés de balles sur le lit. Certains avaient la poitrine transpercée. La balle s’est frayé un chemin, en laissant un trou visible. Au fur et à mesure que j’avançais, je découvrais des cadavres. J’ai pu compter 3, 9, 6 et 4 corps dans différentes maisons. Mon oncle et la femme de son fils enceinte de 9 mois, ont été sortis des décombres grâce aux indications d’un enfant rescapé », relate-t-il. Au cours de ce carnage, seule la maison d’une fonctionnaire a été épargnée. Elle gardait chez elle, le drapeau camerounais et d’autres accessoires de son lieu de service.

Ngarbuh n’a malheureusement pas le temps de faire son deuil. Les habitants après l’inhumation de leur proches, ont fui, à la quête d’un abri. Leur bourreau ayant menacé de revenir, s’ils ne quittaient pas les lieux. Certaines familles ont été accueillies par les volontaires à Ntumbo, une localité située à environ 5 km du lieu du drame. Elles vivent désormais des dons.

D’autres comme John, continuent leur périple vers l’inconnu. Tous luttent au quotidien, comme certains avant eux, ces nombreuses victimes de la crise anglophone qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest depuis 2016, désormais réduits au silence, pour oublier cette journée odieuse. Une journée où ils ont eu la visite des étrangers d’un autre genre, qui pourtant n’avaient pas l’habitude de sillonner dans les environs, selon cette victime. Contrairement aux milices séparatistes, qui empruntaient parfois les pistes du village.
John, comme toute la communauté, ignore toujours les raisons de ce massacre. « Si c’était une explosion, aucune maison ne devait être épargnée. Pourtant dans certaines concessions on a brulé des blocs et laisser d’autres. Personne ne vend le carburant au village », dit-il, en décrivant un village enclavé, accessible uniquement par moto.

Enquête
Le gouvernement camerounais a affirmé dans sa communication du 18 février 2020, que les « terroristes » armés ont attaqué les forces de sécurité et que l’affrontement a entraîné l’explosion de réservoirs de carburant, ce qui a détruit plusieurs habitations et causé la mort d’une femme et de quatre enfants. Cependant, une enquête dont les résultats restent toujours attendus a été ouverte afin d’établir les responsabilités.

L’organisation internationale, Human Rights Watch (HRW) qui recommande une enquête indépendante dans son rapport sur ce massacre, relève que « Les forces gouvernementales et des membres armés de l’ethnie peule ont tué au moins 21 civils, dont 13 enfants et une femme enceinte, le 14 février 2020 dans le village de Ngarbuh, une zone en proie à une crise anglophone. Ils ont également incendié cinq maisons, pillé de nombreux autres biens et passé à tabac des habitants. Les cadavres de certaines des victimes ont été retrouvés carbonisés dans leur maison. » Elle soutient qu’ils sont entrés de force et ont également pillé toutes les maisons de Ngarbuh 2. Ils les ont rassemblés sur la place du village, près du marché et certaines personnes ont été ligotées.

La rédaction

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