Santé : Plus de 70% des habitants de l’Est peinent à accéder aux soins

Pour une population estimée à près de 1,2 millions, la région dispose seulement de 101 médecins, et 15 districts de santé qui connaissent une carence générale de médecins et spécialistes. Pour se soigner, plus de 80% des couches vulnérables font recours aux tradipraticiens et à l’automédication.

Assis dans la salle d’attente, une dizaine de patients attendent d’être reçus par le chirurgien-dentiste. Il est environ 8 heures, ce mercredi 25 août 2021, à l’hôpital régional de Bertoua. Dans cet établissement sanitaire, ces malades arrivés aux premières heures de la matinée ont finalement réussi à se faire consulter par le chirurgien dans l’après-midi. Il est d’ailleurs l’unique dont dispose cette formation sanitaire, seul établissement sanitaire de référence de la région de l’Est. 

Le même jour, une victime d’accident de la circulation est abandonnée à l’entrée. Les vigiles alertent le service d’urgence sans aucune intervention. « C’est vraiment terrible, le vigile est même allé au bloc administratif pour signaler ce cas mais personne n’a réagi », déplore un témoin de la scène. Ces vigiles ont finalement déposé le corps de la victime à la morgue avant l’arrivée du procureur de la République près des Tribunaux de Bertoua. Pourtant, regrette un spécialiste, « une mort d’homme doit être constatée par un médecin légiste. Mais pour le cas en question, c’est le vigile qui l’a fait, dont le service d’accueil n’as pas fait son travail ».

Cet hôpital souffre en effet, de nombreux problèmes parmi lesquels, un déficit général de médecins spécialisés. Selon l’administration de cette formation sanitaire, « il n’existe que 6 médecins spécialisés à savoir, 01 ORL, 01 gynécologue, 01 radiologue, 01 traumatologue, 01 chirurgien dentiste et 01 pédiatre. Ce sont ces 6 spécialistes et 20 médecins généralistes qui s’occupent d’environ 2000 consultations chaque mois et des cas référés en provenance des 15 districts de santé ». Notre source regrette que « l’hôpital régional de Bertoua ne dispose par de chirurgien et de cardiologue alors que le nombre des malades nécessitant l’intervention de ces spécialistes va croissant, obligeant ceux-ci à se rendre à Yaoundé pour des soins qui leur reviennent 2 fois plus chers ».

Belabo

Sur le plan régional, la population de l’Est selon le système d’information sanitaire est estimée à environ 1.146.981 habitants dispersés sur une superficie de près 1000 M2. Or d’après le chef de service des affaires générales à la délégation régionale de la Santé Publique pour l’Est, cette région sanitaire dispose seulement de 101 médecins, 06 spécialistes et 25 pharmaciens. Dans certaines zones reculées, la situation est tout simplement catastrophique. C’est le cas du nouveau district de santé dé Belabo dans le Lom-et-Djerem.

D’après Adolphe Nwelndje, chef de bureau du partenariat, « créé le 27 avril 2021, ce district regorge 07 aires de santé dont, Diang, Bombi, Mbethen, Belabo, Deng-Deng, Ndemba 1 et Mbitom ». Malheureusement, ses 80.877 habitants, exposés à la maladie tropicale négligée, l’onchocercose, à cause de leur proximité avec le fleuve Sanaga, n’ont aucun médecin à leur disposition. Dans le district de santé de Kétté qui couvre 2 arrondissements, il existe,  selon le chef de district, Dr Azeh Ote, « 11 formations sanitaires, un hôpital de district, 01 centre médical d’arrondissement et 09 centres de santé intégrés ». Mais la population estimée à 77.810 ne dispose que de 4 médecins sans spécialiste pour couvrir une superficie de 4,200 km2, frontalière avec la RCA. 

Tradipraticiens

Au-delà du manque de médecins et spécialistes, l’absence de pharmacies, couplée aux longues distances qui séparent les formations sanitaires des communautés, contraint les couches vulnérables à opter pour l’automédication ou à chercher des solutions chez les tradipraticiens. « La particularité du district de santé de Yokadouma c’est son étendue d’environ 320 000 Km2. Nos aires de santé sont disparates. A Masséa qui est l’aire de santé la plus vaste, on peut parcourir sensiblement 200 km pour rallier la dernière formation sanitaire, ce qui rend la tâche difficile aux femmes enceintes qui veulent faire des consultations prénatales. Donc, certaines se trouvent dans l’obligation d’accoucher en communauté ou chez les tradipraticiens », reconnait le chef de district, Dr Didier Joher.

Selon le Dr Anicet Désiré Mintop, délégué régional de la Santé Publique pour l’Est, « l’Etat au cours des dernières années a beaucoup investi dans la construction des infrastructures sanitaires et le renforcement des plateaux techniques des hôpitaux. Avec l’hôpital de référence en cours de finition à Bertoua, ces deux aspects seront couverts à 80%. Il ne restera que l’épineux problème des ressources humaines insuffisantes en quantité et en qualité ». Pour ce qui est du personnel, le délégué régional évoque 03 ouvertures de recrutement à savoir, le personnel affecté par l’Etat, ceux recrutés par le ministère de la Santé Publique à travers les communes dans le cadre de la décentralisation, les ONG et le personnel recruté par les formations sanitaires elles-mêmes à travers le PBF (performance based finicing).

Sébastian Chi Elvido à l’Est  

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