Transport aérien :  Les syndicats rejettent le chômage technique décidé par Camair-Co
Source: Camair-Co/DataViz by Adisi-Cameroun

Camair-Co après le licenciement de 371 personnes économise 540,49 millions F Cfa tandis que le personnel qui reste en fonction coutera par mois 938,79 millions F Cfa à cette entreprise en zone de turbulence.

A la direction générale de la compagnie aérienne camerounaise, Cameroon Airlines Corporation (Camair-Co) à Bonanjo à Douala, le lundi 22 juin 2020, l’ambiance est plutôt paisible. A l’entrée la police veille au grain. La réceptionniste reçoit et oriente les rares visiteurs qui se présentent. Dans la salle d’accueil, un homme installé dans le fauteuil, attend d’être reçu par l’un des cadres. Les bruits qui émergent du téléviseur, détendent l’atmosphère.

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L’ambiance est la même dans l’agence de vente de billets de cette compagnie située dans le même bâtiment.  Dans cette grande salle, l’hôtesse est le seul personnel en service. Elle est accompagnée d’un agent de sécurité en faction.   Près de 5 postes de travail, qui disposent chacun d’un ordinateur sont vides. « L’agence est aussi concernée par la mise en chômage technique d’une partie du personnel », apprend-t-on.

Camair-co renseigne dans un communiqué le 21 juin 2020, que « face à la crise qui touche actuellement l’industrie de transport aérien et particulièrement la Camair-co, dont l’exploitation est suspendue depuis le 1er avril 2020, privant la compagnie aérienne nationale de revenus, la direction générale a procédé à la mise en chômage technique du personnel non essentiel. Cette mesure prendra effet le lundi 22 juin 2020 pour une durée de trois mois renouvelables le cas échéant ».   Elle évoque comme raison, « la conjoncture économique défavorable de la compagnie du fait principalement des effets néfastes de la pandémie Covid-19 ». L’objectif est de limiter l’accroissement de la dette salariale, les risques de contamination et de maitriser les charges de fonctionnement. Toutes nos démarches pour entrer en contact avec la direction et le responsable de la communication ont été vaines.

371 employés sur 577, soit 64% du personnel sont touchés par cette mesures. Principalement, le personnel, dont l’activité est directement impactée par la suspension de l’exploitation, à savoir le personnel de vente, d’escale, navigant et également le personnel administratif et support, non essentiel au cours de cette période. « Le coût total du chômage technique, sous réserve de la prise en compte des variables du salaire dans cette période est de 1,479 milliard F Cfa. Il est réparti entre le salaire des 206 membres du personnel qui resteront travailler (938,79 millions F Cfa), et les 371 employés qui seront mis en chômage technique (540,49 millions F Cfa) », avait alors expliqué le directeur général, Louis Georges Njipendi Kuotu, dans une correspondance adressée au   ministre des Transports, le 23 avril 2020, sur les conséquences du Covid-19 sur les opérations de l’entreprise. Dans la foulée la direction sollicitait également « la dotation d’une subvention d’équilibre mensuelle » de 2 milliards F Cfa.

Incompétence

Le collectif des syndicats des transports aériens rejette cette mesure. « Les lettres y relatives ont commencé à être transmises par mail à ces travailleurs, y compris à certains délégués du personnel et présidents de syndicats.  Réunis ce jour 21 juin 2020 en assemblée intersyndicale, les présidents des six syndicats et leurs bureaux respectifs, ainsi que les délégués du personnel présents à Douala, ayant pris acte de cette situation, rappellent que le dossier du chômage technique est actuellement au niveau du conseil d’administration dont ils attendent la position pour aviser. Par conséquent, nous, présidents des syndicats soussignés, demandons aux travailleurs de ne pas tenir compte de cette décision unilatérale et de vaquer normalement à leurs occupations », déclare le collectif dans un communiqué.

A en croire le président national du Syndicat des travailleurs des transports aériens du Cameroun (STTA), Jules Frederic Benga, joint au téléphone, la démarche de leur employeur est en violation total des lois, principalement pour les présidents et délégués de personnel. « La gestion de l’équipe actuelle dégrade le climat social. Le personnel totalisera bientôt, 4 mois d’arriérés de salaires. Il n’a pas d’assurance maladie, de Cnps payé, même les cotisations des syndicats ne sont pas versées alors que c’est les travailleurs qui cotisent. Pourquoi prendre cette décision, alors que nous étions disposés à consentir des efforts personnels, collectifs et même salariaux pour que tous les employés restent en poste. C’est puéril de penser que ce n’est pas un licenciement qui pointe à l’horizon », s’insurge-t-il.

Selon Daniel Eyango, le président du Conseil du STTA toute entreprise se gère sur la base d’une planification qui fixe la vision stratégique du directeur générale et la démarche stratégique pour atteindre cet objectif. Il n’y a pas, dit-il, de personnel « non-essentiel » dans un recrutement objectif, bien planifié.  « Le Dg actuel comme tous ses prédécesseurs n’a pas de business plan. Il fait la navigation à vue, qui l’a conduit à la banqueroute de l’entreprise. Aujourd’hui, il choisit des boucs-émissaires, les travailleurs. Le motif n’est qu’un prétexte, pour cacher son incompétence à gérer une compagnie.  Pour mettre les gens à la porte, il y a un motif généralement conjoncturel et dont on démontre l’impact et l’imprévisibilité pour le justifier. Il n’a rien fait de tout cela, il met les gens à la porte sans aucun plan. Il a choisi de régler certains comptes aux syndicalistes qui ont dénoncé son incapacité à gérer une compagnie. Dans les plans de relance des autres compagnies aériennes, le Cameroun y est inclus. Comment on peut expliquer aux Camerounais que la compagnie nationale n’a pas de plan de relance incluant son propre marché », déplore Daniel Eyango.

En l’absence d’un plan de base fondamental, d’un plan post-covid, relève ce leader syndical, la compagnie n’a aucun fondement pour prendre une décision. « Où prendra-t-il l’argent pour payer les autres personnels, puisque l’entreprise ne rapporte rien du fait de son incapacité. Toute entreprise nationale de transport aérien qui n’a pas de vols, a des sources de recettes sur son sol. Il ne le sait pas parce qu’il n’a jamais fait du business plan. A terme, en l’absence de tout plan, c’est la fermeture de l’entreprise. La Camair a passé plusieurs années sans avoir besoin des subventions de l’Etat. Pourquoi la Camair-co ne vit que des subventions ? c’est le fait des directeurs », relève-t-il. Il regrette que le Cameroun soit en train de perdre un outil de haute technologie qu’il est en droit d’ambitionner.

Marie Louise MAMGUE

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