Césariennes : « Le patient devient un simple client »

Césariennes : «Le patient devient un simple client »

Dr Albert ZE, économiste de santé apprécie la politique de santé de Cameroun vue sous le prisme de l’accès des femmes enceintes au soin de santé Césariennes.

Comment appréciez-vous la politique de santé au Cameroun et comment peut-on l’améliorer l’accès des femmes enceintes au soins de santé ?

Avant d’arriver à la politique de santé, il est important de relever que le système de santé qui doit porter les politiques présente d’énormes défaillances. On rencontre encore de grandes inégalités au niveau de l’accès physique au soin de santé. A cet effet, on peut facilement constater que certaines zones ne disposent pas d’un seul centre de santé fonctionnel sur un rayon d’environ 40 km tandis que d’autres zones en ont en abondance. La conséquence directe est que dans les zones ne disposant pas de formations sanitaires les femmes sont condamnées à accoucher dans les cacaoyères sans aucune assistance professionnelle.

Par ailleurs, pour le cas des zones ayant des formations sanitaires, sachant que nous sommes dans un régime de recouvrement des coûts, on note justement l’existence d’une politique ne favorisant pas l’amélioration de l’accès des femmes aux soins. On peut donc constater l’instabilité des coûts des soins, la croissance de la demande induite, l’inexistence de la promotion de la santé. Pour répondre à ce manquement d’accès aux soins, le gouvernement et ses partenaires ont mis en place le projet chèque santé qui semble encore limité dans ce sens que sa solution est beaucoup plus financière qui a pour conséquence d’entretenir les inégalités. Il est donc important aujourd’hui d’apporter une solution englobant les deux dimensions de la carte sanitaire (qualité et quantité).

On constate à l’Ouest que certaines césariennes sont injustifiées. Comment peut-on expliquer cette pratique programmée par les médecins pour arrondir leur fin de mois ?

Les césariennes injustifiées proviennent justement de la demande induite dont je parlais et qui constitue un facteur limitant l’accès aux soins des femmes. Il s’agit tout simplement d’un mécanisme émis par le personnel de santé visant à accroître les recettes hospitalières qui constituent en partie leur revenu et leur bien-être. Le patient devenant ainsi un simple client comme sur le marché des biens et services : ce qui est une atteinte grave au droit à la santé. Pour résoudre ce problème, il faut dissocier le bien être du personnel des recettes hospitalières et cette résolution doit impérativement aboutir à une revalorisation du niveau de vie de ce personnel. Cela est bien possible.

Selon les témoignages les prix homologués par le Ministère de la Santé publique pour la césarienne ne sont pas respectés dans plusieurs formations sanitaires. Quel commentaire faîtes-vous à ce sujet ?

Je le disais déjà plus haut qu’il existe une instabilité des prix dans notre système de santé, un élément qui traduit l’existence d’un désordre et d’un manque de coordination de ce système de santé. La vie étant un bien très précieux et sachant qu’une partie du corps humain n’a de pièces de rechange dans une boutique, nous devons mettre en place des systèmes de santé responsables qui protègent et qui répondent efficacement aux problèmes des populations sans toutefois les appauvrir.

Réalisé par Vanessa Bassale, dans le cadre du Projet Open Data for governance in Cameroon (ODAGOCA), initiée par ADISI-Cameroun, avec l’appui financier de l’International Freedom of Expression Exchange (IFEX)
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