Covid-19 : « La maladie peut se retrouver n’importe où, à n’importe quel moment »
Dr Hans Mossi

Dr Hans Mossi Makembe, Coordonnateur régional de Lutte contre les épidémies, par ailleurs Incident manager adjoint du système de gestion de l’incident contre la Covid-19 dans le Littoral, revient sur la situation de la pandémie de Covid-19 dans la région.

Quelle est la situation actuelle de la Covid-19 dans la région du Littoral ?

Le point sur la pandémie Covid-19 est dynamique, parce que tous les jours, nous collectons les données et nous dépistons dans nos 24 districts de santé de la région, même si l’épicentre reste dans les Districts de santé du département du Wouri. Selon la situation de la semaine du 21 décembre 2020, il faut noter que les rapports de situation sont hebdomadaires, nous avions enregistré un peu plus de 6648 cas positifs. Les personnels de santé touchés depuis le début de la pandémie sont de 251 (3,77%), 33 (0,50%) femmes enceintes enregistrées et un taux de guérison de plus 91,62%, soit 6091 personnes déjà guéries depuis le début de la pandémie. Nous avons un certain nombre d’actifs (439), c’est-à-dire des personnes positives au coronavirus et suivies à domicile. Ce sont des personnes qui ne présentent pas des pathologies particulières associées à la maladie. Malheureusement la région a enregistré 118 décès depuis le début de la pandémie, soit un taux de létalité de 1,77%.

De façon globale, la manifestation de la pandémie s’est faite en plusieurs étapes dans notre région, de la phase d’imprégnation, la phase de psychose, à la phase de maitrise et contrôle de la maladie. Actuellement, notre système et les stratégies sont bien mis en place. Les stratégies de lutte appliquées nous apportent une certaine sérénité dans la gestion de cette pandémie. Il faut rappeler que nous sommes à la phase communautaire, c’est-à-dire, la maladie se transmet d’un individu à un autre, et dans ce cas, la maladie peut se retrouver partout, au vue des mouvements des populations. Et effectivement dans l’évolution de la pathologie, nous avons constaté une certaine tendance à la diminution de l’agressivité du germe, ce qui fait que nous avons un grand nombre de personnes asymptomatiques, d’où les stratégies actuelles relatives au tracking et testing d’un grand nombre de personnes dans la communauté.

Au niveau régional, quels sont les autres départements touchés, en dehors du Wouri qui reste l’épicentre de la pandémie ?

Le département du Wouri est notre véritable épicentre. Il y a eu quelques cas par-ci, par-là dans d’autres départements (Nkam, Sanaga-Maritime, Moungo, NDR). Mais, c’était des cas dus aux mouvements des personnes. On a constaté que ces personnes avaient séjourné à Douala et sont retournées dans leur lieu d’habitation ou de travail. Ces cas ont été beaucoup plus signalés durant les mois d’avril, mai et juin, et puis après, il y a eu une sorte d’accalmie. Tout de même, les districts de santé continuent à traquer et à tester chaque fois que nous avons une alerte. L’épicentre c’est vraiment le département du Wouri, qui compte 9 districts de santé, et les plus touchés sont les districts de santé de Deïdo, de Mbangue et de la Cité des palmiers. C’est vraiment les zones où nous avons enregistré plus de cas et qui nous ont donné du fil à retordre au début de la riposte. Il faut souligner que c’est des grands districts de santé, qui ont une grande superficie et qui ont une densité de la population importante.

Comment la maladie a évolué entre le mois d’août et décembre 2020 ?

S’il faut parler du mois d’août, il y avait des stratégies qu’on n’avait pas encore mises en place. C’était prévu dans notre plan d’action, mais il y avait certaines données qu’il fallait avoir avant de lancer. La gestion de la Covid-19 n’est pas seulement l’apanage du ministère de la Santé publique (Minsanté), d’autres secteurs ministériels y sont impliqués, et doivent être impliqués davantage. Même si le Minsanté est appelé à intervenir dans tous ces secteurs-là, il faut au préalable avoir une séance de travail, obtenir des autorisations pour pouvoir s’introduire dans ces milieux. Au mois d’août, nous étions carrément en train de préparer la rentrée scolaire.  Nous avions une bonne maitrise des choses, sauf qu’avec le retour des classes, un certain nombre des cas ont été détectés, que ce soit au sein même des établissements scolaires ou dans d’autres secteurs. Mais, toute suite, compte tenu de la décentralisation qui a été mise dans les districts de santé, décentralisation qui met le district de santé au centre même de la gestion de cette maladie, les alertes ont été contrôlées et la sensibilisation est effectivement de mise.

Donc, je ne pense pas qu’on peut parler de recrudescence des cas sur cette période. Je pense qu’avec l’intensification de testing commencée en début d’année scolaire, sur les enseignants et les élèves, le lancement des testings au niveau des postes de santé aux frontières, les campagnes de testing dans la communauté, nous avons détecté beaucoup de personnes porteuses de coronavirus, mais sans manifestation aucune et c’est ceux-là que nous appelons les asymptomatiques. Donc, recrudescence je ne pense pas, mais nous sommes dans une phase carrément communautaire, où nous allons continuer à enregistrer et pendant un certain temps encore, une propagation de la maladie surtout pour des personnes qui n’observent aucune mesure de protection. Par moment, on a eu une tendance des chiffres élevés, mais c’est vraiment lié au ratissage large au mois de septembre-octobre. Mais, pour nous c’était tout à fait normal, au vue de la tendance ou des comportements observés au sein de la population.

On déplore aussi le relâchement des mesures barrières dans quasiment toute la région par rapport à la période de la psychose…

L’enregistrement des nouveaux cas peut avoir plusieurs causes ou sources. Et effectivement, le non-respect des mesures barrières pourrait être une véritable raison.  Au vue de l’évolution, la compréhension même de la maladie par la population, on a constaté que la psychose a baissé et les activités ont progressivement repris. La tendance est que les populations se disent que le coronavirus est une petite grippe qui peut se soigner. Cette façon de concevoir la maladie, s’observe dans l’attitude globale de la communauté parce que la psychose a causé beaucoup de problème en tout début. Cependant, ça ne veut pas dire que si on a plus peur de la Covid-19, on doit se livrer à des attitudes qui ne permettent pas ou ne vont pas dans le sens de la limitation de la propagation de la maladie. Oui, les mesures barrières c’est dans une vision générale. Dans certains supermarchés et entreprises, les gens ne les respectent pas beaucoup. Il nous a été rapporté des cas d’agression dans certains supermarchés parce qu’on aurait imposé le port du masque. Je pense que c’est un réel problème. Il faut que la communauté comprenne que si tout le monde respectait les mesures barrières, on n’enregistrerait plus de nouveaux cas, parce que du point de vue sanitaire, nous avons tout fait pour limiter la propagation et l’entrée des nouveaux cas dans notre pays. C’est pour cette raison que le testing est systématique dans les postes de santé aux frontières, aérien, portuaire, que l’on dispose d’un test ou pas, à jour ou pas. Nous avons rattrapé beaucoup de cas lors de ces contrôles. Il faut que les chefs d’entreprises, les membres de la communauté et autres, puissent vraiment se rappeler que le risque ou la lutte n’est pas finie et la maladie peut se retrouver n’importe où et à n’importe quel moment.

N’est-il donc pas nécessaire de penser à une nouvelle stratégie de communication et de sensibilisation afin de renforcer la lutte contre cette pandémie ?

Je pense que nous avons un certain nombre de stratégies et elles sont toujours en application. Nous sensibilisons continuellement.  Les chaines de télé, radio, la presse écrite et cybernétique font aussi ce qu’il faut faire. Peut-être qu’on n’en fait pas suffisamment, mais je crois que la communauté est assez préparée. Aujourd’hui quelle que soit la personne qu’on peut toucher ou poser des questions en rapport avec la Covid-19, on aura une réponse. Donc, tout le monde sait que la maladie est là. Nos stratégies sont simples, intensification du testing, tracking des alertes et effectivement sensibilisation dans nos différents sites de dépistage. Nous en avons au moins un ou deux dans les 9 districts de santé du Wouri et près de 62 points de testing dans la région du Littoral. Je pense que ces sites mis en place permettent un accès aisé de la population aux soins et elle y bénéficie également des mesures d’accompagnement, de sensibilisation et de prise en charge. Nous avons également notre call center qui fonctionne très bien, le 1510 où les gens appellent au quotidien pour avoir des informations en rapport avec le coronavirus, les voyages ou l’accès au testing. On pense que la sensibilisation est là, et la presse doit nous aider pour le passage en boucle des messages de sensibilisation.

Réalisé par M.L.M.

 

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