Education : Après plus de 5 ans de revendication, les enseignants toujours aux abois

En grève depuis le 21 février 2022, les seigneurs de la craie du secondaire dénoncent une fois de plus, leurs mauvaises conditions de vie et de travail. Bien que silencieux jusqu’à présent, ceux du primaire subissent le même sort.  

Le lundi 21 février 2022, le mouvement des enseignants, nommé « On a trop supporté, OTS » a appelé ses confrères du secondaire à observer une grève générale, si les solutions immédiates et pérennes ne sont pas apportées à leurs revendications. Rédigé par leurs représentants régionaux, le mot d’ordre est adressé au Premier Ministre. « La principale raison de cette grève est non seulement l’insatisfaction des enseignants face à la gestion de leurs dossiers financiers et de carrière par le gouvernement, mais aussi le profond silence des autorités en charge de l’Éducation face aux cris de détresse continus que nous émettons. », écrivent-ils.

Parmi ces réclamations figurent entre autres, le paiement des arriérés des 25 000 compléments de salaire et 90 000 avancements dans un bref délai (avec rappels y afférents), le paiement immédiat des rappels de 2/3 des enseignants pris en solde en décembre 2018 et oubliés lors du paiement des rappels y afférents, le calcul des rappels de 1/3 sur la base de 67 000 F Cfa et non sur la base de 58 000 F Cfa, et la suppression des taxes sur le calcul des rappels d’intégration. « Je suis à 4 ans de service, et toujours sur le régime de 2/3. Depuis 4 ans, je n’ai pas de complément de salaire, je n’ai pas reçu mon rappel, j’ai un avancement dont l’ordre n’a même jamais été signé, sans compter les frais financiers, et nous sommes nombreux dans notre cas », confie Alain Thom, l’un des initiateurs du mouvement.

Comme lui, plusieurs enseignants s’indignent face au laxisme du gouvernement. « Je suis marié et père de 3 enfants. Mon salaire est de 128 000 F Cfa, sans complément, depuis 6 ans. J’ai fait un prêt en banque pour des raisons personnelles. Ce qui fait que je touche actuellement 67 000 F Cfa par mois. J’ai vu les collègues manifester leur mécontentement dernièrement, alors j’ai décidé de suivre le mouvement de loin », rapporte un enseignant sous anonymat.

Le cas du primaire

Les enseignants du secondaire ne sont pas les seuls dans cette situation. Car ceux du primaire ne sont pas mieux lotis. Le cas de Barbara Adamou (nom d’emprunt), intégrée en 2006 comme contractuelle, et fonctionnaire depuis 2017. Cet enseignant d’école publique affirme qu’il a  monnayé pour entrer en possession de ses premiers avancements. « Tu es obligé de payer. Notamment un pourcentage allant de 10 à 20 % de la somme à percevoir », confie-t-elle.

Bosco Kede, Directeur de l’Ecole publique d’Application d’Akwa groupe 4, confirme les propos de Barbara. Mais contrairement à elle, Bosco refuse de se prêter au jeu. Aucun de ses 5 avancements, correspondant à 10 années de service, ne lui a été reversé jusqu’ici. « Au ministère, on nous demande de patienter. C’est comme ça qu’ils passent le temps à nous bernerOn ne m’offre que des possibilités de la petite porte », dénonce-t-il. En effet, toutes les conditions sont réunies pour que ces instituteurs entrent eux aussi en grève, car ce n’est pas l’envie qui leur manque. « Les enseignants du primaire endurent plus. Le personnel n’est pas suffisant, le peu qu’on recrute souffre, les contractuels ont un salaire minable », énumère Bosco Kede.


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Les frustrés

Joint au téléphone, Jack Bessala, président du Collectif des enseignants indignés du Cameroun (Ceic), indique que le mouvement OTS est un nouveau groupe d’enseignants frustrés. Qui est né après que le ministère des Finances ait dit il y a un an, avoir déjà trop accordé la priorité aux enseignants du secondaire. Ce qui a impliqué la baisse de la cagnotte, qui est passée de plus de 3 milliards à environ 1 milliard 500 mille F Cfa par mois. « Entre temps, il y a de nouveaux dossiers impayés. Ce sont donc ces dossiers qui ont donné naissance à un nouveau groupe de frustration qui est OTS, qui estime avoir été lésé », explique-t-il.

Ces enseignants observent pratiquement chaque année, et ce depuis plus de 5 ans, des mouvements de grève pour les mêmes raisons. Dr Joseph Bomda, Conseiller d’orientation-psychosociologue, au département de Psychologie et sciences de l’orientation, de la faculté des sciences de l’éducation à l’Université de Ngaoundéré, indique que la création de cet autre groupe est l’expression du ras-le-bol des enseignants, d’où la dénomination « On n’a trop supporté ».

Pour lui, ces nouvelles revendications sont le témoin d’un malaise généralisé qui prend effet dans la déconsidération sociale de l’enseignant, aux dépens de l’éducation des enfants. « La transmotivation risque de faire son nid au sein de notre système éducatif aux dépens de la qualité de l’éducation et de l’effectivité du droit et du devoir des enfants scolariser de contribuer au développement futur de notre cher et beau pays », a -t-il souligné. En attendant une sortie de crise, le mouvement prend de l’ampleur dans les établissements scolaires d’enseignements secondaires.

Michèle EBONGUE

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