Entrepreneuriat féminin : 3 entreprises sur 10 créées par les femmes au Cameroun
Source- BSTP_DataViz by ADISI-Cameroun

Bien que relativement inférieure à celle des hommes, la participation des femmes dans la gestion des entreprises connait également une amélioration. Le Gicam par exemple compte 37 entreprises dirigées par des femmes sur ses plus de 368 membres. 

Après le décès de son mari en 2011, Bettina Guemto prend la tête de Buetec broderie Sarl, l’entreprise fondée par François, son époux. En charge des questions techniques à cette époque, Bettina est contrainte de prendre les rênes de l’entreprise. « J’ai toujours consulté les collaborateurs de mon défunt mari, ainsi que ses amis. Précisément les hommes d’affaires avec qui il traitait à cette époque. Je me suis beaucoup renseignée, j’ai beaucoup consulté, et après j’ai réfléchis sur la meilleure façon de gérer l’argent disponible », confie-t-elle.

 Mère de 3 garçons, Bettina en plus de prendre le relais, doit trouver des solutions pour s’occuper de sa famille. Son statut de femme ne l’a pas freiné, mais lui a, au contraire, permis de relever ce défi. « Ce n’était pas facile, il fallait conserver l’entreprise pour pouvoir nourrir mes enfants », indique l’entrepreneure. La gestion, qui selon elle est un aspect typiquement féminin, lui a permis de manager les revenus disponibles de façon à éviter le gaspillage.  « La femme n’aime pas jouer avec l’argent, elle aime quand l’argent est utilisé pour apporter de l’argent. Elle veut conserver pour pouvoir nourrir ses enfants », pense Bettina Guemto.

Selon la Bourse de sous-traitance et de partenariat du Cameroun (Bstp), des plus de 700 Petites et moyennes entreprises (Pme) et Petites et moyennes industries (Pmi) qu’elle compte, seule une trentaine est dirigée par les femmes, soit un pourcentage de 2%. Tandis que sur les  plus de 368 entreprises membres du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), 37 sont dirigées par les femmes, parmi lesquels des associations qui regroupent une cinquantaine de membres.

Difficultés

Diane Ndeuna, Présidente du conseil d’administration (Pca) d’Eden Africa, avoue avoir fait preuve de patience pour bâtir le réseau dont elle a la charge. Entrepreneure depuis 2012, Diane explique qu’elle a été confrontée à plusieurs difficultés liées au genre. « La première était le fait d’être femme et d’être jeune. On se focalisait beaucoup plus sur la jeune femme que j’étais », explique-t-elle. Un regard, qui a parfois coûté à l’entrepreneure, des propositions indécentes. « Au départ c’était frustrant. Je me suis rendue compte de la différence qu’il y a entre les femmes et les hommes. C’était plus facile pour un homme de « réseauter » avec les autres », indique Diane Ndeuna. Une situation difficile à gérer, à en croire cette cheffe d’entreprise, plus criarde chez la femme avant-gardiste. « La personne vous prête des intentions. J’avoue que durant les 2 premiers mois, c’était dérangeant de gérer cela », souligne le Pca d’Eden.

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En bonne entrepreneure, face à ce manque de tact de la gente masculine, elle a su s’imposer. « Je me suis rendue compte qu’il faut savoir jouer à la fois sur tes atouts et sur ta compétence, tout en créant un bon cadre », témoigne l’entrepreneure. A en croire Bettina Guemto, le statut de femme n’est pas que préjudiciable, il est aussi un avantage, surtout chez eux qui encouragent l’entreprenariat féminin.  « J’ai, avec mon caractère, et un peu de mon charme, essayé d’obtenir certaines conditions favorables, ce qui peut par moment être dans le milieu des affaires un vrai atout des femmes vis-à-vis des partenaires hommes », déclare-t-elle. D’après l’économiste Edmond Kuaté, le fait d’être très abordable donne malgré tout, envie de faire confiance aux femmes. « Son atout est beaucoup plus d’ordre sociologique, mais sur le plan pratique, il faut savoir que la femme bataille beaucoup pour s’affirmer », explique-t-il.

Au-delà de ces privilèges, il faut, comme a indiqué Diane Ndeuna, prendre les devants et être objectif même dans la relation. Il faut « donner la carte tout de suite de sorte que la personne sache exactement ce que tu veux, pour que la personne n’ait pas le temps de se faire des idées », souligne-t-elle.

Agroalimentaire

Selon le Ministère des Petites et moyennes entreprises, de l’économie sociale et de l’artisanat (Minpesa), 90 792 entreprises ont été créées entre 2015 et 2019, avec une initiative privée encore dominée par les hommes.  Sur 10 entreprises, au moins 3 ont été créées par les femmes, avec 86% de créations concentrées à Yaoundé et Douala. Ce pourcentage, relativement inférieur à celui des hommes comme l’indique le rapport d’analyse sur l’annuaire statistique 2019 du Minpmeesa ne signifie pas que les femmes éprouvent un désintéressement au monde entrepreneurial. « Elles sont toutes autant motivées comme leur homologue masculin à saisir les opportunités qui s’offrent à elles. Seulement elles éprouvent des difficultés à faire reconnaître leurs compétences professionnelles dans un environnement où existent des préjugés et stéréotypes importants sur les compétences féminines », souligne le rapport.

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Fabrice Tasse Kamga, responsable développement opportunité de sous-traitance à la Bstp, révèle que les femmes sont plus présentes dans certains secteurs que dans d’autres, à l’instar de l’agroalimentaire, de l’hygiène et assainissement au détriment du génie civil mécanique. « Le problème est qu’il y a des secteurs d’activité qui demandent de la poigne. Il faut s’y connaitre, avoir des connaissances, et peu sont celles qui décident de créer des entreprises », explique-t-il.

Même si les femmes sont peu nombreuses dans ces secteurs dits d’hommes, Armelle Ngo Samnik, Responsable services autonomes d’accompagnement des Pme au Gicam souligne qu’elles y sont quand même. « Aujourd’hui la tendance change. On est en train de voir des femmes qui se retrouvent dans le Génie civil, dans le Btp et qui donnent de très bons résultats même sur le terrain. Donc, en 2020, 2021 et des années à venir, on va trouver beaucoup plus de femmes dans ces domaines qui apportent de meilleurs résultats. Aujourd’hui la femme sait qu’elle est capable d’apporter certains résultats, elle ne se met plus un frein quand elle veut se lancer dans une activité, elle le fait librement parce qu’elle sait qu’elle en est capable », indique-t-elle.

Michèle EBONGUE

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