Est : 60% des terres bradées au village Ndoumbi
Source : https://www.osidimbea.cm

Cette vente anarchique s’est accentuée avec l’annonce de la création d’une Université d’Etat et de l’Ecole normale supérieure de l’Université de Ngaoundéré dans ce village de la région de l’Est.

Situé à une quinzaine de kilomètres de Bertoua, la capitale régionale de l’Est, sur l’axe qui mène à Belabo, le village Ndoumbi est devenu au fil des années, un véritable marché foncier. Dans cette localité, les raisons qui poussent les propriétaires à brader leur terrain sont multiples. « Nous vendons les terrains pour pourvoir construire une maison décente, ou acheter une moto. Il y a aussi des ventes en cas de détresse, pendant les périodes de la rentrée scolaire, à l’occasion des deuils, lorsque les enfants sont malades ou pour des besoins de survie », soutient une source locale.

Des ventes, parfois anarchiques, que condamne le chef de cette localité. « Le problème de braderie foncière à Ndoumbi date bien avant la création de l’Ecole normale supérieure l’Ecole normale supérieure de l’Université de Ngaoundéré. Parce que lorsque je suis arrivé au trône en 2012, j’ai commencé par combattre cette pratique au point où j’ai été menacé par le préfet de l’époque qui m’avait fait comprendre qu’il ne fallait pas que j’arrête de signer les certificats d’abandon de droit coutumier, parce que cela pouvait mettre ma vie en danger », explique Sa Majesté Dieudonné Zons.

Selon cette autorité traditionnelle, « ce qui est regrettable aujourd’hui, c’est qu’à l’époque, les populations vendaient les terres en termes d’hectares. Et mon premier défi a été de les sensibiliser en leur disant que ces terres étaient pour nous un patrimoine à ne pas brader. Certains ont compris mon message, tout comme d’autres ont continué à vendre des parcelles de terre après l’annonce de la construction de l’Ecole l’Ens ».

A écouter ces populations, chacun dit être libre de vendre son terrain pour résoudre ses problèmes personnels et familiaux. Une posture qui, cependant, ne fait pas l’unanimité. « Depuis une dizaine d’années que je vis dans ce village après ma retraite, environ 60% de nos terres ont été vendues parce que mes frères ne veulent pas travailler. Nombreux ont abandonné les travaux champêtres », déplore un sexagénaire exacerbé par la situation. Selon Alain Wilfried Menganas, maire de la commune de Diang, circonscription administrative dont dépend le village Ndoumbi, la situation est critique. « La situation est grave. L’unité de mesure du terrain est l’hectare et non le mètre carré. Un hectare de terrain est vendu à 100 000 F Cfa, c’est-à-dire que le mètre carré coûte 10 F Cfa. J’ai dit au chef de village de faire attention parce que nous avons réservé 1000 hectares à l’Etat pour la construction de l’Ens », regrette-t-il.

Pour se dédouaner, Sa Majesté Dieudonné Zons rétorque que « lorsque les gens disent que nous avons vendu toutes les terres de Ndoumbi et que l’espace réservé à la construction de l’Ens est menacé, c’est trop dire. Ndoumbi est un village étendu. Nous sommes limitrophes au département du Haut-Nyong par Dimako, à la commune de Belabo par le village Koundi et à la commune de Bertoua 1er par le village Kpwadjang. Les 1000 hectares de terre dont parle le maire sont sécurisés et j’y veille personnellement ».

Région de l'est
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Entourloupe

Dans ce village du canton Maka Nord, les populations ruminent une colère sourde et pensent avoir été roulées dans la farine à en croire le chef. « Sur les 1000 hectares de terre que la communauté a réservé pour le projet de construction de l’Université, seulement 08 hectares serviront pour la construction de l’Ens. L’Université qu’on attendait ne sera plus construite à Ndoumbi, mais plutôt à Bertoua. Que fera le ministère de l’Enseignement supérieur des 992 hectares qui restent », s’interroge cette autorité traditionnelle.

Du coup, des particuliers et d’autres prédateurs fonciers très au fait de cette actualité se sont rués autours de ce site pour d’éventuels projets de construction. « Aujourd’hui nous sommes nombreux à avoir acquis des parcelles de terre à cet endroit. Pourtant lorsque j’achetais mes huit hectares de terre  à cet endroit pour planter mon verger, j’étais seul, sans imaginer qu’un projet d’envergure allait venir me trouver. C’était une zone en friche où on ne pouvait que mener des activités agricoles », renseigne un acquéreur sous anonymat. Au village Ndoumbi, personne ne peut renseigner avec exactitude le nombre de transactions foncières opérées ces dix dernières années.

Abandon de droit coutumier

A la délégation départementale des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières du Lom-et-Djèrem (Mindcaf), encore sous le coup d’une suspension des transactions foncières c’est la loi de l’omerta. Personne ne veut se prononcer sur les ventes de Ndoumbi. Dans un communiqué Radio-Presse signé le 16 décembre 2021, le préfet du Lom-et-Djèrem, Donatien Bonyomo a informé les populations et opérateurs économiques qu’en application des dispositions de l’article 8 de l’Ordonnance n°74-1 fixant le régime foncier que sont : « (…) nulles de plein droits les cessions et locations de terrains urbains ou ruraux non immatriculés au nom du vendeur ou du bailleur (…) ». Au cas échéant, « (…) les vendeurs, les bailleurs, ainsi que les notaires et greffiers-notaires auteurs desdits actes sont passibles d’une amende de 25 000 à 100 000 F Cfa et d’un emprisonnement de quinze jours à trois ans ou d’une de ces deux peines seulement ». Ainsi, toutes les transactions faites sur le domaine national matérialisées par la délivrance des certificats dits d’abandon de droit coutumier sont nuls et de nul effet. Dans cette posture de sécurisation du foncier au village Ndoumbi et plus généralement dans sa circonscription administrative, Donatien Bonyomo a été conforté par deux arrêtés du Mindcaf allant dans le même sens.

Par Ange-Gabriel OLINGA BENG à l’Est

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