Faillite : Près de 2 000 ouvriers réclament leurs salaires à la SPM

Une partie des 2000 ouvriers en chômage technique après la faillite de la SPM, en plus de réclamer environ 7 mois d’arriérés de salaires, estiment être lésés dans les négociations de liquidation engagées par l’Etat avec le nouvel acquéreur, la Société agricole de Mbanga.  

Située à quelques mètres du centre-ville de Mbanga, un arrondissement du département du Moungo, dans la région du Littoral, le « secteur Mideviv » de la Société des plantations de Mbanga- SPM– croupit sous le poids de l’abandon, envahi par de hautes herbes. Les bâtiments qui servaient de bureau, ont cédé aux intempéries.  Certains sont vandalisés.  Les plantations autrefois réservées à la culture de bananes, ont hérité du maïs, macabo et autres.  Depuis la cessation d’activité de la SPMen 2013, le secteur est devenu au fil des années, le terrain de chasse de certains agresseurs, selon les riverains. Les populations redoutent même d’y trouver les milices séparatistes qui sèment la terreur dans la région du Sud-Ouest, auteurs de certains enlèvements avec demande de rançon, dans cet arrondissement.

et état des lieux renseigne suffisamment sur le sort de cette entreprise créée en 1999, qui s’étend sur une superficie d’environ 9000 hectares de bananes, également dans les villes de Njombe et de Manjo. La SPM, principal pourvoyeur d’emploi dans cette localité, n’est plus.Elle importe avec elle, le gagne pain de plusieurs familles et des mois d’arriérés de salaires.  Cette faillite, est la conséquence de la mauvaise gestion de ses actionnaires, à en croire le Sous-préfet de Mbanga, Voh Buikame Armstrong.

La SPM qui avait une production annuelle évaluée à 30 000 tonnes de bananes, cède sa place à la Société agricole de Mbanga (SAM), le nouvel acquéreur, dont certains actionnaires, membres de l’équipe dirigeante, figurent parmi les dirigeants de la SPM, selon une source. La SAM vient avec des projets innovants, et promet plus de 5 mille emplois, un effectif largement au-dessus des 2 mille ouvriers de la SPM.

« La restructuration passe par le processus de liquidation totale de la SPM.  La SAM qui est la nouvelle entité, a déjà été créée et ses dirigeants nommés sont déjà en activité. Elle se porte garant d’acheter l’actif résiduel de la SPM. Les retombées de cette transaction permettront d’éponger les dettes de la SPM, en priorité les arriérés de salaire, les locations de terre et les prestations de service », explique le Sous-préfet de Mbanga. Le processus de liquidation est encore en cours. Le tribunaldésigneraun liquidateur qui se chargera de vendre tous les actifs de la SPM.

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Redressement

L’arrivée du nouvel acquéreur, qui a tenu une réunion au mois de mai 2019 avec les anciens employés de la SPM à Mbanga, s’est présentée comme une lueur d’espoir pour les centaines de familles touchées. Toutefois, cette attente salvatrice se meurt au quotidien, avec les 7 mois d’arriérés de salaire qu’ils revendiquent à leur ancien employeur. « Je me considère toujours comme un ouvrier de la SPM. La dernière note de service, nous demandait d’attendre la reprise des travaux. Je me considère dont comme étant encore au travail conformément à notre convention collective.  La visite du ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) nous avait donné espoir, mais après il n’y a eu aucun changement. Claude Simonet, le nouveau patron, avait aussi déclaré que la nouvelle entreprise devait démarrer au mois de juin 2019, mais nous sommes toujours dans l’incertitude », affirme, Bruno (nom d’emprunt) un ancien personnel.

En effet, la vie de ces travailleurs a basculé depuis 2013 avec la cessation des activités de cette structure spécialisée dans la production de la banane. Bruno, a été au service de cette société pendant 12 ans. Des années au cours desquelles il a gravi des échelons, du poste de gardiennage à celui du chef de secteur. Il fait partie du personnel qui est resté en service après le départ volontaire négocié de certains de ses collègues. Ceux qui comme Bruno espéraient un changement après le financement initié pour le redressement de l’entreprise, ont été mis en congé technique.  Ceci en attendant que l’entreprise trouve une issue de sortie à sa crise financière.

Cependant, la situation s’est plutôt dégradée. Le prêt de 25 milliards FCFA, obtenu auprès de la Banque africaine de développement (BAD) et Afreximbank, pour relancer la production, « aurait servi à tout, sauf à redresser la boîte ». Les employés ont cumulé 6 à 7 mois d’arriérés de salaire en fonction de leur poste. Malgré les multiples mouvements de revendications au siège de la structure à Douala, ils n’ont jamais obtenu gain de cause. « Il était question que les fonds injectés permettent de gérer une partie de la dette des employés. Mais, les dirigeants ont utilisé ces fonds à d’autres fins. Comme s’il y avait une volonté de ruiner la boîte », déplore un autre ouvrier. C’est d’ailleurs, soutient une source, à cause de cette malversation financière que la l’Etat a annulé le deuxième financement annoncé pour relancer les activités de la SPM.

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Entre l’attente du démarrage effectif de la SAM et le paiement des arriérés de salaires, les anciens travailleurs accusent le gouvernement de laxisme. Une indulgence entachée de corruption, qui non seulement a conduit à la « faillite programmée de la SPM », dont la marge de gain était largement au-dessus de la masse salariale, chiffrée à moins de 200 millions de F Cfa. « La SPM produisait en moyenne, 3 containers, soit 20 cartons de banane par jour. Un carton pèse 18,5 Kg. Un kg de banane coûtait 12 euros. Avec toutes ces entrées le personnel était lésé. En plus de nos faibles salaires, moins de 100 mille F Cfa pour certains, Nous n’avons ni des primes de logement, de responsabilité et autre. Donc, ils doivent nous payer nos arriérés. Ils ont assez amassé de l’argent », soutient l’un des anciens ouvriers.

Selon ces employés, les salaires oscillaient entre 20 et 100 mille FCFA par mois, pour environ 10 heures de travail par jour. En plus de ce faible revenu, les ouvriers ne bénéficiaient, pour la majorité, d’aucune sécurité sociale. En 2014, la SPM figurait dans le top 10 des entreprises camerounaises qui ne reversent pas les cotisations sociales de leurs employés, publié par la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS).

Désormais en chômage, les anciens employés de la SPM peinent à joindre les deux bouts. Ils espèrent avoir un nouvel emploi avec le démarrage de la SAM. Mais craignent en même temps de subir le même traitement avec les nouveaux dirigeants, issus de la défunte SPM.

Marie Louise MAMGUE