Justice : Au Cameroun, 330 personnes dans les couloirs de la mort

Le tribunal militaire de Maroua dans la région de l’Extrême-Nord, révèle le rapport intitulé « Condamnés à l’oubli » qui vient d’être publié, détient la palme d’or avec 133 condamnations à mort prononcées en 2015.

Le Cameroun figure parmi les pays au monde qui appliquent encore la peine de mort.  Bien qu’aucune exécution n’ait été recensée au Cameroun depuis 1997, les tribunaux camerounais continuent à prononcer cette sentence capitale. C’est du moins les conclusions du Rapport intitulé « Condamnés à l’oubli.  Mission d’enquête dans les couloirs de la mort- Cameroun »réalisé par le Réseau des Avocats Camerounais contre la Peine de Mort (RACOPEM) et l’association Ensemble contre la Peine de Mort (ECPM), publié en septembre 2019, dans le cadre de la collection « Missions d’enquête » d’ECPM.

Cette étude qui dresse un état des lieux des conditions de détention des personnes condamnées à mort, indique que le Cameroun est l’un des pays d’Afrique francophone qui compte le plus grand nombre des condamnés à mort. Plus grave encore, le nombre de condamnations a nettement augmenté depuis l’entrée en vigueur de la loi antiterroriste en 2014, qui vise à lutter contre Boko Haram dans l’Extrême-Nord.

Le nombre de victimes de la sentence capitale en novembre 2018 dans les établissements pénitenciers du pays était estimé à 330 personnes selon le RACOPEM.  Une centaine étant condamnée   pour des infractions liées au terrorisme. Entre 2010 et 2017, les condamnations à mort ont évolué au pays de Paul Biya. Passant 9sentences en 2010, à 133 en 2015, et 26 en 2017. 

La région de l’Extrême-Nord, a-t-elle seule, a enregistré 133 condamnations à mort en 2015, uniquement prononcées par le tribunal militaire de Maroua.

Selon Amnesty International (AI), plus de 160 condamnations à mort ont été prononcées en 2016. Depuis 2014, la plupart des condamnations à mort ont été prononcées par des tribunaux militaires, seuls compétents pour juger les actes de terrorisme, y compris pour les accusés civils. En 2017, AI n’a recensé aucune condamnation à mort, et aucune information n’est donnée dans le rapport du ministère de la Justice. Néanmoins, souligne ce rapport, trois condamnations à mort ont été recensées dans les dossiers du tribunal militaire de Maroua, pour les deux premiers trimestres de l’année 2017.

Il faut noter que la pendaison et la fusillade, sont les deux méthodes d’exécution que prévoit le Code pénal. La législation camerounaise prévoit la peine capitale pour plus d’une vingtaine d’infractions, pour lesquelles l’imposition de la peine de mort n’est pas obligatoire.

Le hic avec ces verdicts, est que les victimes ont été« condamnées à mort à la suite de procès iniques, pour la plupart basés sur des aveux extorqués sous la torture ou la contrainte, et sans avoir pu bénéficier d’une représentation judiciaire efficace ». De plus, le traitement des accusés « diffère selon leurs ressourcesfinancières ».

Le Cameroun selon cette étude, applique un moratoire de facto sur la peine de mort depuis 1997 mais celui-ci n’a jamais été officialisé. Le pays s’est systématiquement abstenu de voter les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies pour mettre en œuvre ce moratoire, malgré les nombreux appels de la communauté internationale, y compris de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP). Lors du rapport final du dernier Examen périodique universel (EPU), en septembre 2018, l’Etat a réaffirmé ne pas vouloir abolir la peine de mort dans sa législation, en affirmant qu’elle avait des vertus dissuasives et que l’opinion publique soutenait sa rétention.

En l’absence de statistiques officielles,il impossible d’après les auteurs de cette étude, de donner une liste exhaustive des prisons qui accueillent actuellement des personnes condamnées à mort.

Marie Louise MAMGUE