Tissu Ndop : aux sources de la confection
Le défaufilage du tissu Ndop

Tissu Ndop : aux sources de la confection

Sujet à de vives discussions sur l’origine, la paternité et le procédé de fabrication, ce tissu bigarré très prisé aussi bien par les Camerounais que les étrangers est le résultat d’un processus aussi long qu’authentique, qui transite entre les régions du Nord et de l’Ouest confection du Tissu Ndop.

Pour son mariage traditionnel qui aura lieu dans quelques semaines, Ines veut porter du Ndop. Pour elle, il n’est pas question de mettre du « faux » Ndop qui abonde dans les rayons textiles. « Je veux l’étoffe fabriquée à la main », exige-t-elle.

Afin de s’assurer de la qualité, elle commande directement chez une artisane. Mais à la réception, elle va vite déchanter ; le tissu présente des insatisfactions. « A peine j’ai touché le tissu, j’ai constaté que mes doigts étaient devenus tout bleus », confie-t-elle empreinte de déception confection du Tissu Ndop.

Une anomalie, qui selon Solange Tcheuendem, artisane reconnue dans la fabrication de Ndop à Bafoussam dans la région de l’Ouest, relève d’un manquement professionnel. « Il s’agit d’un problème de teinture. Tout le monde n’a pas la capacité de travailler dans le Ndop », s’indigne-t-elle.

Selon Oumarou Djougal, artisan teinturier dans la région du Nord, quand il faut parler de Ndop, c’est dans la partie septentrionale du Cameroun que tout commence. « Les bamilékés (Peuples des Grassfields, partie occidentale du Cameroun) viennent ici acheter le tissu traditionnel appelé « godo » en fulfulde fabriqué à base du coton. Ils repartent avec pour y dessiner les motifs du ndop », dit-il.

Les tissus dans le puits est mélangé aux colorants ©DC
Les tissus dans le puits sont mélangés aux colorants ©DC

Pour les artisans de l’Ouest, c’est beaucoup plus qu’un simple dessin, car réalisé avec dextérité. Des traits parfaitement droits et parallèles qui demandent de la précision et une certaine maîtrise. Pour un résultat impeccable, « j’utilise une maquette déjà conçue que je pose sur le tissu. Cet outil permet non seulement de faire des lignes parfaites mais aussi de s’assurer que l’on puisse reproduire plusieurs fois le même design », explique Solange Tcheuendem confection du Tissu Ndop. Elle précise que tout est fait à la main. L’étape du dessin est immédiatement suivie de celle du faufilage.

Le faufilage

C’est l’une des étapes les plus importantes du processus de fabrication du Ndop. A l’aide des fils de raphia, l’artisan va coudre le tissu en suivant les lignes prédessinées. « Quand vous observez un tissu Ndop, vous avez l’impression qu’on a dessiné des traits blancs dessus. C’est pourtant l’inverse. Ce sont les espaces brodés avec du fil de raphia qui restent blancs quand tout le reste devient bleu une fois teint », développe la dame.

Il est donc important de faire des liens serrés sinon la teinture pourrait se glisser entre les fils et teindre les parties que l’on voulait garder blanches. Le faufilage marque en principe la fin de la première étape, car le tissu « brodé » prend la route du septentrion pour l’étape de la teinture.

confection du Tissu Ndop La teinture

Oumarou Djougal, 58 ans est propriétaire d’un atelier de teinture traditionnelle à Garoua, sa ville natale située dans la région du Nord. Cette teinturerie qu’il a hérité de son père existe depuis plus de 200 ans. « Je travaille ici depuis 1988. Mes parents faisaient la teinture depuis 1809 confection du Tissu Ndop. A l’époque, les bamilékés qui arrivaient à Garoua nous gardaient des colas et en retour, on teintait leurs habits », se souvient-il.

Le Ndop avant et après la teinture ©DC
Le Ndop avant et après la teinture ©DC

Au lieu-dit Katarko au quartier fulbere à Garoua, Oumarou a son atelier de teinture dans la cour de la maison.  Il s’agit en somme de quatre puits de quelques mètres, appelés « boulli » en fulfulde, la langue locale la plus parlée dans la partie septentrionale du Cameroun.  Ces puits servent à réaliser le mélange et à plonger les tissus à teindre confection du Tissu Ndop. « Il n’y a pas d’engins ni de machines. D’un côté, il y a le puits pour la couleur blanche qui permet de noyer le tissu à l’aide de l’eau pendant 24h. Et de l’autre, les puits pour la couleur bleue qui résulte du mélange entre l’eau et le tchatchari », explique le teinturier en chef de l’atelier.

Le « tchatchari » est l’appellation en fulfulde d’une feuille d’arbre qui se trouve dans la partie septentrionale du pays. « C’est en brousse qu’on part chercher cela. On enlève pendant la saison sèche, on pile, on mélange avec un produit chimique qui vient de l’Amérique. C’est ça qui donne la coloration bleue », affirme ce teinturier.

Cet atelier exploité par quatre personnes, accueille deux types de tissus spécifiques : le Godo et le Ndop. Le « Godo » est un type de boubou sans aucun motif particulier porté par les gardiens de la tradition dans le septentrion confection du Tissu Ndop. Contrairement au Ndop qui porte des motifs spécifiques propres à la tradition des peuples de l’Ouest Cameroun.

confection du Tissu Ndop Retour à l’Ouest

Le tissu teint puis séché reprend la route de l’Ouest pour le défaufilage qui consiste à enlever à la main les fils de raphia imprimés dans le tissu quelques semaines plus tôt. « Cette étape est surtout réservée aux femmes, car elle exige de la patience », fait savoir Edith Flore Mipo, présidente du Festival Ndop, dérivés, accessoires (Fenda). Un évènement annuel qui vise la promotion et la valorisation du tissu Ndop.

En effet, entre la récolte du coton et la mise sur le marché d’un tissu Ndop, il faut compter plusieurs mois à cause des différentes étapes et de la durée de voyage plus ou moins longue.  Dans ces conditions, il est donc normal que le mètre de tissu coûte entre 15.000 F Cfa et 25.000 F Cfa selon la qualité confection du Tissu Ndop.  « Dire que le tissu est coûteux donne l’impression que les artisans se font beaucoup d’argent. Ce qui n’est pas le cas. On parvient tout juste à joindre les deux bouts », soutient Solange T.

Revenus

Plus explicite, le teinturier, Oumarou Djougal, confie qu’un puits rempli peut teindre en moyenne 20 tissus Ndop. « Par jour, on peut teindre entre 70 et 75 tissus Ndop. Les prix de la teinture varient entre 1 000 F Cfa et 1 500 F Cfa pour les tissus légers, et, entre 2 000 F Cfa et 2 500 F Cfa lorsqu’il s’agit d’un tissu lourd », explique-t-il confection du Tissu Ndop. Et d’ajouter que pour obtenir la couleur bleue, il faut un diluant vendu entre 3 500 F Cfa et 5 000 F Cfa.

Pour 1 000 habits, il faut 400 boites de diluants, soient 1.400.000 F Cfa voire 2.000.000 F Cfa auprès des fournisseurs Nigérians.  « On est parfois obligé de jongler pour ne pas tourner en perte confection du Tissu Ndop. On parvient néanmoins à dégager un revenu qui nous permet de subvenir aux besoins vitaux de nos familles », confie Djougal, non sans préciser que les dépenses et les revenus s’équilibrent jusqu’à dégager du profit, quoique faible.

Difficultés

Outre les dépenses exorbitantes à engager avant un potentiel retour sur investissement, les artisans font également face aux évènements naturels comme la rareté de plus en plus inquiétante de l’arbre qui donne le « tchatchari » et les pluies qui retardent le travail à cause du manque d’un atelier approprié confection du Tissu Ndop. Le métier est aussi menacé de disparition car la jeune génération ne s’y intéresse pas, regrette Oumarou, qui affirme aussi que « les artisans de l’Ouest commencent à développer des techniques de teinture pour minimiser ou supprimer les coûts de transport des tissus pour le Nord. Ce qui crée des manques à gagner ».

Le faufilage du Ndop
Le faufilage du Ndop

Autre problème. De plus en plus prisé, le tissu Ndop ou du moins des copies du tissu se fabriquent désormais en usine et en série. Sur le marché, il n’est plus seulement bleu. Il peut aussi être rose, rouge, jaune, selon les désirs du fabricant. « A côté de cette industrialisation qui fragilise le secteur de l’artisanat, il faut aussi déplorer le fait que de plus en plus, des Chinois se sont lancés dans la fabrication en série du tissu de base confection du Tissu Ndop. Il est aussi lourd que celui fabriqué ici. A moins d’être expert, vous ne verrez pas la différence et pourtant pour l’industrie locale du textile, c’est une véritable catastrophe. Un problème que doit prendre à bras le corps le gouvernement », déplore Edith Flore Mipo.

Jérôme Baïmélé et Vanessa Bassale

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Ndop

Grassfields

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