Vaccination : 50% d’enfants de moins de 5 ans non vaccinés à l’Est
les enfants vaccinés à l'Est

Des fausses nouvelles sur des essais vaccinaux contre la Covid-19 ont créé la psychose au sein de la population depuis quelques mois dans la région du soleil levant. Une situation qui a engendré une chute de la couverture vaccinale de 98% en 2019 à 50% depuis le mois de mars 2020.

« Faites vacciner vos enfants mes frères, mes sœurs. Rien ne vaut leur santé. Si moi j’avais joué avec la santé de mes neuf enfants que Dieu m’a donnés, peut-être que deux ou trois seraient infirmes aujourd’hui ». C’est avec ces mots d’encouragement que Lydienne Sola incitait certains parents à faire vacciner leurs enfants contre la poliomyélite le 10 octobre dernier à Bertoua. Pour cet agent de santé communautaire, « vacciner son enfant c’est le protéger à 100% des maladies évitables par la vaccination. Elle est autant importante pour sa croissance ».

Malgré cette exhortation, certains parents sont restés sceptiques. Ils affirment mordicus avoir appris à travers les réseaux sociaux que des vaccins anti-coronavirus allaient être administrés aux enfants. « Il y a des parents qui ont refusé d’ouvrir leurs portes. D’autres cachaient leurs enfants ou nous disaient carrément qu’ils n’en veulent pas sans passer par quatre chemins. La vaccination n’étant pas obligatoire au Cameroun, on ne pouvait faire autrement face à ces cas de refus », regrette Brigitte Bilounga, agent de santé communautaire. A en croire ces acteurs de campagne de vaccination, il faut s’armer d’arguments pour convaincre les familles.

Désinformation

Au centre de Santé intégré de Mokolo I à Bertoua où l’on a souvent observé une affluence pendant les campagnes de vaccination, la courbe est en baisse. « Nous avons eu toutes les difficultés pour faire vacciner les enfants de 0 à 5 ans contre la poliomyélite. Sur un objectif de 9 000 enfants à vacciner dans notre district de santé, nous n’avons vacciné que 6 000 », confie le chef de centre Abdouraman Liman Mahamat. Il ajoute que « quand la Covid-19 a commencé ce n’était pas facile pour certaines mamans d’arriver à l’hôpital. D’autres venaient me voir pour demander si ce sont les mêmes vaccins qu’on utilisait avant qu’on administre toujours aux enfants ». Malgré la sensibilisation faite dans les 14 districts de santé de la région, la désinformation autour de la Covid-19 a produit les mêmes effets.

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A l’hôpital de district de Garoua-Boulaï, ville frontalière à la République centrafricaine située à 247 Km de Bertoua, on signale plusieurs cas d’abandon de vaccination. « Nous vaccinons désormais les jeudis et vendredis. Pourtant, la vaccination de routine doit se faire tous les jours.  Nous sommes partis de 70 à 80 enfants que nous vaccinions en moyenne par semaine à moins de 30 enfants », explique Yolande Gilberte Tchambo Ngasseu, responsable du Programme élargi de vaccination.

Pour remédier à cette situation et ramener les parents à reprendre les vaccinations elle dit avoir opté pour des séances de causeries éducatives en expliquant aux parents que le coronavirus est une maladie qui existe certes, mais qu’il y a des bâtiments réservés à l’isolement des malades.

Des cas de refus

Le taux de couverture vaccinale a également chuté à l’hôpital privé protestant de la même ville qui couvre 14 villages et 7 quartiers.  « Avant le Covid-19 on vaccinait environ 650 enfants par mois en postes fixes et presqu’une centaine en stratégies avancées. Mais depuis le début de cette crise sanitaire, les chiffres ont baissé à presque 300 enfants », informe Elvis Claude Djidéré Ngangni, responsable du programme élargi de vaccination. Pour cet infirmier généraliste, « tous ces enfants qui n’ont pas reçu de vaccins à cause de la réticence des parents s’exposent à un risque sérieux de contracter les maladies potentiellement mortelles ciblées par la vaccination, notamment la Poliomyélite, la Tuberculose, les Hépatites, la Fièvre Jaune, la Diphtérie, le Tétanos, la Rougeole et la Méningite ».

Au-delà des rumeurs et des fake news qui circulent dans les réseaux sociaux, certains parents doutent de l’efficacité des vaccins. D’aucuns en ont simplement marre, estimant que si ces différents vaccins étaient vraiment efficaces, on n’aurait pas dû les administrer aux mêmes enfants à plusieurs reprises. « A certains endroits on prenait nos agents de santé communautaires à chaud, en indiquant qu’il ne s’agissait pas du vaccin contre la poliomyélite, mais plutôt du vaccin contre le Coronavirus que nous administrons. Le temps pour nous de réajuster avec les campagnes d’information et de sensibilisation, il y a eu des réticences et des cas de refus qui continuent malheureusement d’être observé », explique Arthur Fidelis Metsampito Bamlatol, point focal communication à la délégation régionale de la santé publique de l’Est.

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Comme conséquence, les performances vaccinales ont connu une baisse drastique dans l’ensemble de la région. « On est passé d’une couverture vaccinale de 98% pour 350.000 enfants en 2019 à 50% depuis le mois de mars 2020 », regrette Dr Nkengue Pouth, chef d’unité du Programme élargi de vaccination (Pev).

Autres difficultés

Dans cette région, la vaccination fait face à 32 zones d’accès difficiles et 09 zones d’insécurité. A cela s’ajoute le problème d’enclavement et celui des longues distances. Il faut parfois parcourir 50 km pour trouver un poste de vaccination. D’où la nécessité de l’institution des stratégies avancées. Laquelle bute également au manque de moyens de locomotion. Par exemple, pour disposer des vaccins à Garoua-Boulaï, le chef de district de santé est obligé d’utiliser les services de transport en commun. Autant il y a des risques liés aux intempéries, autant il se pose le problème de conservation des vaccins à cause du manque d’électricité dans plusieurs localités. Sur les 242 formations sanitaires que compte la région, 90 seulement sont dotées des chaînes de froid pour la conservation des vaccins.

Par Ange-Gabriel OLINGA BENG, à l’Est

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