Est : La forêt ne répond plus aux besoins des communautés riveraines
Une coupe de bois dans la forêt Koundi dans la région de l’Est

La forêt ne répond plus aux besoins des communautés riveraines

Dans les villages confrontés à l’exploitation forestière illégale, les habitants se plaignent de la coupe abusive du bois, de la rareté des produits forestiers non ligneux, des plantes médicinales et des espèces animales destinées à la consommation La forêt et les communautés riveraines.

Assis sur un petit banc, un couple à peine rentré du champ devise sous un hangar. Il est environ 15 heures à Yoko-Betougou, un hameau situé entre Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est et Ndeng-Ndeng, sur la route qui mène au barrage hydroélectrique de Lom-Pangar. La femme épluche le manioc qui sera mangé avec des légumes La forêt et les communautés riveraines. « Ce sera notre repas du jour. Il sera fait sans viande parce qu’il n’est plus évident d’avoir de la viande dans ce village », lance Achille Ngoulap son époux.

Dans ce petit village où la vie dépend à 100% des produits issus de la forêt, les habitants sont inquiets. Les animaux se font de plus en plus rares. Il faut parcourir de longues distances pour chasser. Pourtant affirme ce chef de famille, « il y a une vingtaine d’années, le gibier était à la portée de tous à Yoko-Betougou. Les animaux venaient manger les noix de palme derrière nos maisons. Quand il y avait encore la forêt, la terre était également fertile. Un pied de manioc pouvait remplir une cuvette. On ne craignait pas la famine comme aujourd’hui. Mais, cette belle époque », assure Achille Ngoulap, est révolue La forêt et les communautés riveraines. « Notre souffrance a commencé quand les exploitants forestiers sont entrés dans nos forêts », dénonce-t-il.

A Koundi, village voisin où la population a également fait de la forêt sa première pharmacie, Paulette Nyinang a du mal à soigner ses proches malades. « Les espèces d’arbres qu’on trouvait en forêt pour le traitement des maux d’estomac, de l’hypertension artérielle et de certaines infections n’existent plus. Lorsque mes enfants et moi sommes malades, je suis obligée d’aller à Bertoua situé à 25 km pour bénéficier des soins, alors que nous étions habitués à la pharmacopée traditionnelle », déplore-t-elle. La forêt de ce village a été vidée de ses nombreuses essences par des exploitants illégaux. « Nous sommes en danger. Ils ont coupé tous les arbres et plantes médicinales. Ce qui a augmenté le nombre de décès dans le village », regrette Mbele Philippe, un autre habitant.

La forêt et les communautés riveraines Produits forestiers non ligneux

Dans ces villages confrontés à l’exploitation forestière illégale comme dans bien d’autres zones forestières de la région, les plaintes des communautés riveraines sont les mêmes. Les produits forestiers non ligneux (Pfnl) comme le rotin, les lianes, le miel, les chenilles, les champignons, les mangues sauvages, les fruits du Moabi, Ndjassang, les feuilles d’Okok, les ignames sauvages ramassées en forêt par les villageois pour des besoins de subsistance ou de commercialisation sont de moins en moins disponibles La forêt et les communautés riveraines. Ce qui a des répercussions même dans le panier de la ménagère.

Au grand marché Ndoumbi de Bertoua, le petit paquet d’Okok est passé de 200 à 500 F Cfa, la tasse de Ndjanssang de 100 à 400 F Cfa et un litre de miel pur de 2000 à 5000 F Cfa. Le prix de l’huile de karité tout comme de la viande de brousse, n’est pas en reste La forêt et les communautés riveraines. Sur 10 espèces de viandes sollicitées auprès des commerçantes, plus de la moitié deviennent de moins en moins disponibles sur le marché.

Selon un membre de l’Organisation non gouvernementale (Ong) World Wildlife Fund (WWF) qui œuvre dans la protection de la nature, la disparition de certaines espèces animales dans les zones d’exploitation forestière peut s’expliquer. « Il y a l’ouverture des pistes forestières qui a accru les activités de braconnage et le fait que les animaux fuient les vrombissements des engins et des tronçonneuses. Ce qui perturbe également leur cycle reproductif », relève cet acteur de la société civile qui a requis l’anonymat.

Une forêt en exploitation
Une forêt en exploitation

 

Les autorités dans le coup ?

« Il suffit d’avoir une, deux, voire trois tronçonneuses, tu achètes 3 ou 5 hectares de forêts auprès des villageois et tu te mets à abattre les arbres. Un seul arbre te procure du bois débité que tu vas vendre à prix d’or La forêt et les communautés riveraines. Les souches et les branches, tu en fais du charbon de bois utilisé comme combustible dans les ménages », explique un abatteur qui a requis l’anonymat.

Cet exploitant explique que l’activité est tellement fructueuse qu’elle a fini par attirer même ceux qui sont censés protéger la forêt, à savoir les autorités administratives, les hauts fonctionnaires, les parlementaires, les hauts gradés de l’armée. Une information confirmée par certains chefs de villages qui n’ont pas voulu être cités par peur de représailles.

Selon un responsable de la délégation régionale des Forêts et de la Faune qui a également requis l’anonymat, le sciage artisanal parfois considéré comme l’exploitation forestière illégale est encadré par loi. « Excepté la coupe de bois pour la construction d’habitats, la fabrication de cercueil lors des décès dans le village et bien d’autres usages domestiques, il faut être muni d’une autorisation du Ministre des Forêts et de la faune (Minfof) pour l’abattage d’une essence de valeur ». Malheureusement, les exploitants couverts par certains responsables des administrations impliquées dans cette activité ne respectent pas la loi. Pire, se questionne un agent du Minfof, « Comment voulez-vous qu’on arrête le camion de bois d’un Colonel ou d’un Magistrat ? C’est s’attirer des ennuis et des ennemis pour rien ».

De 2002 à 2022, la région de l’Est a perdu d’après les données de Global Forest Watch  près de 213 mille ha de forêts primaires humides, ce qui représente  près de 54% de son couvert forestier  au cours de la même période.

Ange-Gabriel OLINGA BENG à l’Est

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