Est : Le fleuve Nyong en voie de disparition
Une vue de fleuve

Le fleuve Nyong à l’est du cameroun

Face aux menaces écologiques et aux actions conjuguées de l’Homme, le deuxième plus grand fleuve du Cameroun a rétréci comme une peau de chagrin Le fleuve Nyong.

A perte de vue, le bassin du fleuve Nyong aux eaux noires ressemble à une forêt vierge. Une végétation qui menace l’écosystème de ce fleuve situé à Abong-Mbang, chef-lieu du département du Haut-Nyong à l’Est. « D’une surface d’environ 800 mètres de large dans les années 1960 à 80, le lit de ce cours d’eau qui arrose pourtant une bonne partie du plateau Sud camerounais n’est plus que l’ombre de lui-même. Au niveau du pont qui mène à Bertoua, c’est devenu un petit ruisseau de moins de 10 mètres de large », regrette Richard Nkoual, un patriarche résidant dans la ville.

Long de 640 Km, ce fleuve aux richesses variées, jadis abondantes nourrit des milliers de personnes partant du département du Haut-Nyong où il prend sa source à 40 Km d’Abong-Mbang, jusqu’à la baie du Biafra à l’angle Nord-Est du Golfe de Guinée où il se jette dans l’océan Atlantique au village petit Batanga, à 35 Km de Kribi.

Malgré son apport dans l’économie locale, son lit se rétrécit et ses ressources halieutiques s’amoindrissent d’année en année. « On trouve de moins en moins du poisson et d’autres ressources halieutiques. Ce n’est qu’en période des pluies que la navigation est possible pour les petites pirogues et sur une dizaine de kilomètres à peine », deplore Georges Sembe, un pécheur rencontré sur les rives dudit fleuve.

Pression écologique et humaine

Contrairement aux explications des livres de géographie du pays dans les années 80, le fleuve Nyong n’est plus navigable d’Abong-Mbang à Mbalmayo, chef-lieu du département du Nyong et So’o dans la région du Centre. A en croire le patriarche Richard Nkoual, « c’est depuis une quarantaine d’années que le fleuve Nyong subit une pression écologique et naturelle sans précédent ».

« La faute à l’Homme, par sa pression démographique sur les berges de ce fleuve, la déforestation de sa vallée pour des cultures et le déversement des déchets de toutes sortes. La faute aussi à la nature du fait des changements climatiques alternant assèchement d’affluents et crues dévastatrices, sans oublier d’autres éléments comme l’invasion de la végétation qui a envahi une partie de son lit », indique une source à la délégation départementale de l’Environnement, de la Protection de la nature et du développement durable (Minepded).

Une analyse partagée par Dr Patrick Moanono, hydrologiste et environnementaliste, vice-président du Collectif des chercheurs et enseignants du supérieur de la région de l’Est, qui explique que les causes de cette situation sont beaucoup plus anthropiques que naturelles. « Ce sont les activités menées par l’homme qui conduisent aux effets naturels. En effet, les activités anthropiques et les changements climatiques ont contribué à l’émergence des macrophytes dans tout le bassin versant du Nyong, dont la plante la plus dangereuse est la jacinthe d’eau qui pour nombreux Hydrobiologistes est considérée comme étant la plus mauvaise herbe du monde des cours d’eau. Leur hyper présence non seulement réduit la partie navigable du cours d’eau, rend les eaux plus chaudes, moins oxygénées et par conséquent rend le milieu aquatique non favorable à l’épanouissement des organismes aquatiques », précise-t-il.

La végétation gagne du terrain

Monitoring

Selon cet expert, plusieurs solutions peuvent être envisagées pour sauver ce patrimoine. Il recommande « la remédiation mécanique. Elle est la plus directe mais coûteuse. En effet, elle nécessite l’utilisation des dragues hydroliques pour redonner la profondeur au fleuve ; l’enlèvement de ces macrophytes par des faucardeurs et ensuite le relèvement des berges ».

Il préconise aussi des actions chimiques, qui consistent après les actions mécaniques à l’utilisation de certains herbicides au niveau des barges et même des parties du plan d’eau, et la lutte biologique. « La lutte biologique consiste en la mise dans le plan d’eau de certains insectes, notamment les charanssons, qui ont une action naturelle de consommation des macrophytes présents dans l’eau. Cette technique a été employée dans le Lac Ossa, région du Littoral. Cela a très bien marché.  Donc je pense qu’avec des études plus approfondies, on pourrait également explorer cela chez nous dans le Nyong », dit-il.

Toutefois, souligne Dr Patrick Moanono, « le meilleur moyen de lutte contre la pollution des milieux aquatiques c’est la mise sur pied des mesures en amont. En effet, il faudra penser à canaliser tous les drains qui donnent au fleuve. Car c’est par ceux-ci que les matières organiques parviennent au fleuve. Il faut éduquer les populations sur les conséquences que leurs actions pourraient avoir sur le milieu aquatique. Et bien-sûr il faut faire un Monitoring de l’état de santé du milieu à travers des mesures de paramètres physico-chimiques, biologiques et microbiologiques ».

Ange-Gabriel OLINGA BENG, à Abong-Mbang

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