Nord : Avec une centaine de producteurs, la filière avicole peine à décoller
Les poulets Goliath

Les difficultés liées à l’acquisition des poussins d’un jour, le manque de patience pour l’élevage de la poule pondeuse et le climat chaud sont les principales raisons avancées par les aviculteurs. Ces derniers optent pour l’élevage du poulet Goliath, une race plus résistante.

Dimanche 27 mars 2022. Il est 12 heures au domicile de Daouda Sadou, un aviculteur, sis à Nassarao, situé à quelques encablures de la ville de Garoua. Le soleil est au zénith. Le ronflement d’un groupe électrogène envahit les lieux. « J’ai démarré le groupe pour sauver mes poussins qui sont au couvoir, il n’y a pas d’énergie électrique », informe cet aviculteur, par ailleurs président de la coopérative des aviculteurs du septentrion (Avisep).

Dans le couvoir placé dans une pièce de la maison, des poussins sortent de leurs coquillages. Dans l’une des chambres, non loin du salon, se trouve la poussinière qui est une sorte de couveuse artificielle. La préparation de cette cage à poussin obéit à une procédure très délicate. « On enlève l’ancienne litière, on balaie, on désinfecte. On revient installer la litière après une à deux semaines de vide sanitaire. On place les mangeoires et abreuvoirs », renseigne Asmao, stagiaire en aviculture à Nassarao Garoua.

Dans un coin, derrière le bâtiment, est aménagée la ferme des poulets reproducteurs. « Dans l’élevage des parents, nous sommes à environ 700 cheptels. Pour l’élevage jeunes reproducteurs, nous sommes à plus de 2000 et pour l’élevage destiné à la vente, nous sommes à plus de 2500 poussins de tout âge, c’est-à-dire du poussin d’un jour à celui d’un mois », révèle Daouda Sadou.

Des aviculteurs comme Daouda, la région du Nord en compte une centaine. Cependant, la filière avicole tarde à prendre son envol dans le Grand Nord, en général et dans la région du Nord, en particulier. Des trois régions que compte la partie septentrionale du Cameroun, le Nord vient en dernière position quant au nombre d’aviculteurs. « A Garoua, nous pouvons dénombrer au moins 112 éleveurs de poulet ; à Maroua, c’est environ 200 éleveurs. Ngaoundéré est un peu plus avancé que nous, on peut avoir entre 300 et 350 éleveurs », expose le président de la coopérative Avisep.

Malgré ce faible décollage, plusieurs passionnés de la filière se recrutent dans la ville de Garoua. « C’est par passion que je me suis lancé dans l’élevage des poulets. Ça fait plus de cinq ans que j’exerce ce métier. Je produits entre 200 et 300 poussins en moyenne par mois. Je vends entre 250 et 270 poulets par mois », confie Saliou, aviculteur à Garoua.

Poussin d’un jour

La filière avicole dans le Nord est émaillée par plusieurs écueils. Notamment, l’envie très poussé du gain immédiat de certains aviculteurs. C’est d’ailleurs ce qui justifie le faible développement de la poule pondeuse. « L’éleveur nordiste veut gagner tout de suite. Or, la poule pondeuse est toute une industrie, c’est elle qui produit entre 315 et 320 œufs par an », établit Daouda Sadou, non sans souligner à grand trait les difficultés d’acquisition de poussin d’un jour. Les difficultés d’ordre climatique rallongent la liste des entraves à l’élevage dans le Nord. « La chaleur est la principale difficulté ici à Garoua. Elle tue les poussins, surtout les poulets de chair qui ne supportent pas trop de chaleur. La seconde difficulté est la rupture des aliments de la volaille », énonce Saliou.

Malgré ces difficultés, l’engouement pour l’élevage de la volaille est certain à Garoua. « Il faut dire que dans la ville de Garoua, c’est beaucoup plus le poulet villageois qu’on voit dans le marché. Mais il y a un engouement certain pour l’élevage des poulets de chair dans cette ville. Le poulet de chair est un poulet qu’on élève en 45 jours et à partir de là, on peut le mettre sur le marché et avoir des revenus », a confié Maurice Gracien Ndjaro Lend, délégué départemental de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales de la Bénoué.

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Poulets Goliath

Face aux multiples difficultés, surtout à celle liée à la chaleur, Daouda Sadou a opté pour le croisement des espèces dans le but d’obtenir une race appelée poulet Goliath. Le poulet Goliath est une race de poulets rustiques originaires du Benin. Il est issu de plusieurs croisements génétiques entre plusieurs races de poulet. « Les Goliath c’est la race locale améliorée. Ils sont d’abord plus forte, charnue en chair et s’adaptent mieux à notre climat. Nous avions constaté que nos races locales qu’on appelle poulet bicyclette ne pèsent pas en chair et pourtant très appréciée. C’est à l’issu de quatre croisements de la chair industrielle, la ponte industrielle et le poulet bicyclette que nous avons obtenu les poulets Goliath », explique Daouda Sadou, le seul aviculteur à expérimenter cette race au Cameroun. « Ce n’est pas moi qui l’ai appelé Goliath, ce sont les béninois qui ont créés les poulets Goliath et l’ont appelé ainsi. J’ai discuté avec eux et à base de mes formations dans le domaine, je suis venu reproduire la même expérience à Garoua », poursuit-il.

L’histoire raconte que par le passé, le moyen de transport par excellence étant la bicyclette, les poulets locaux ou poulets villageois étaient transportés sur les guidons de ces engins à deux roues pour le marché. D’où l’appellation de poulet bicyclette. Aujourd’hui, la race de poulet Goliath n’attend que sa vulgarisation dans la région du Nord et même au-delà. Dans la ferme de Daouda Sadou, la Goliath gagne du terrain. Dans les ménages, plusieurs croisements se font dans le but de faire disparaitre les poulets bicyclettes. Le ravitaillement obéit à une grille tarifaire établie. Ainsi donc, le poussin d’un jour coûte 1000 F Cfa, les poussins démarrés de trois semaines reviennent à 2000 F Cfa aux clients tandis que ceux de 30 jours sont vendus à 3000 F Cfa.

Jérôme Baïmélé à Garoua.

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